Historique de l'Association de Sauvegarde de la Villa Cavrois
Réunion comité de quartier de Beaumont le 4 avril 1987
Article et cliché paru dans Nord Eclair le 11 avril 1987
C’est devant une assistance nombreuse que s’est tenue la troisième assemblée plénière du comité de quartier de « Beaumont, rue Verte, Planche-Epinoy » en présence de la municipalité. Les diverses questions inscrites à l'ordre du jour ont été abordées dans une atmosphère animée.
Villa Cavrois : A été abordé le devenir de la villa construite par l'architecte Mallet Stevens, située avenue Kennedy. La municipalité et M. Cavrois (NDLR : Paul Cavrois, fils) ont confirmé son classement prochain à l'inventaire des monuments historiques. M. André Hibon a ajouté que si un ensemble immobilier est projeté sur le terrain attenant, la municipalité n'avait reçu aucune demande de permis de construire pour l'instant et que si une telle demande était formulée, son étude serait faite dans le plus grand respect du site, l'un des plus beaux et des plus verts de la métropole. Il n'y aura pas notamment de dérogation au COS qui est de 0,20.
Le 27 octobre 1987, un permis de construire est déposé pour la réalisation de six immeubles de six niveaux, à cheval sur le terrain Cavrois et une partie du terrain voisin appartenant à la famille Willot. Une annonce qui mit à nouveau le quartier en effervescence. Une certaine pression exercée sur la municipalité de la part de plusieurs personnes influentes du monde économique habitant le quartier fit échouer ce projet.
Monument historique et promotion immobilière : difficile cohabitation à Croix
Un article paru dans la Voix du Nord
« Nous voulons de l'habitat individuel », martelle-t-on dans la salle.
« Financièrement, nous ne pouvons réaliser que du collectif », répond le promoteur...
Problème classique qui se pose souvent quand un constructeur veut créer un lotissement à proximité d'une zone habitée. Mais problème qui prend d'autant plus d'ampleur dans le quartier de Beaumont à Croix, l'un des poumons résidentiels de la métropole.
Problème qui se corse encore quand le promoteur se propose dans le même temps de restaurer un monument historique.
Et même si promesse a été faite de se repencher sur un éventuel projet de constructions individuelles, les riverains restent très méfiants.
Sur le cas de la villa Cavrois, l'une des dernières œuvres de l'architecte Mallet-Stevens, le promoteur s'explique aujourd'hui. Dans un prochain article, nous donnerons la parole aux habitants.
Les flambeaux du centenaire de la naissance de Mallet-Stevens se sont éteints. Les amateurs se souviennent sans doute de l'exposition organisée à Paris sur ses principaux travaux d'architecte et de décorateur.
« Il était temps d'exhumer Mallet-Stevens du caveau d'indifférence au fond duquel il croupissait injustement » écrivions-nous à l'époque.
Or le plus beau monument évoquant la mémoire de l'homme se trouve à Croix. Synonyme de modernité pendant l'entre-deux guerres, cette villa que l'on a appelé « villa-paquebot » n'a rien perdu de son élégance. Elle a cependant vieilli : et plutôt mal.
Classée monument historique, elle a été rachetée par la société OGEC dont le responsable n'a pas vraiment un nom inconnu : Jean-Pierre Willot (fils).
Accolant la propriété de ses parents et celle de Cavrois, il dispose d'un terrain de 40 000 mètres carrés sur lesquels projette d'édifier un ensemble immobilier fait de plusieurs immeubles de petites tailles d'une esthétique qu'il est difficile de critiquer. Ils sont l'œuvre de Pierre-Louis Carlier, l'architecte lillois particulièrement connu qui a eu le coup de foudre pour Mallet-Stevens en découvrant la villa de Croix.
Un premier permis de construire a été déposé par le promoteur.
Il a été rejeté par le maire de Croix. Celui-ci, M. Debeunne, se retranche derrière la loi, rien que la loi. Il ne porte pas de critiques particulières au projet de M. Willot. Il ne condamne pas d'avance l'édification d'immeubles collectifs dans une zone où l'on ne trouve que des logements individuels.
Mais comme il le dit lui-même, il ne peut accepter des constructions qui dépasseraient les règles édictées tant en surface qu'en hauteur. La proposition de réhabiliter la villa Cavrois dans le même temps n'a pas fait fléchir le premier magistrat de la commune.
« Je veille à ce que ce quartier particulièrement résidentiel ne soit pas victime de constructions qui porteraient atteinte à son caractère », estime le maire. Mais dans le même temps, il regrette que les « Bâtiments de France » aient attendu si longtemps pour s'intéresser à la villa conçue par Mallet-Stevens. Et surtout qu'ils l'aient déclarée monument historique sans se préoccuper de qui l'entretiendrait.
Les pouvoirs publics pourraient éventuellement s'y intéresser. Mais il est quand même remarquable que l'on n'ait même pas demandé à la ville de Croix si elle était éventuellement partie prenante. « On a pris le problème à l'envers » ne peut que regretter M. Debeunne.
« L'ensemble le plus prestigieux du Nord »
Pour sa part, Jean-Pierre Willot estime pouvoir concilier l'opportunité de sauver une maison et de réaliser une opération immobilière ; ce qui constitue quand même son métier.
Il reconnaît que son premier projet dépassait les normes autorisées. « Pour la hauteur, il y avait cinquante centimètres de trop ». Pour le coefficient d'occupation des sols, il plaide la bonne foi : « à l'intersection de deux rues, il est possible de bonifier le C.O.S. ».
En compagnie de Pierre-Louis Carlier, il a revu son projet pour se retrouver strictement dans la légalité. Il l'a revu en liaison avec les Monuments de France.
La demande de permis de construire qui sera déposée dans quelques jours pour approbation en mairie de Croix a une taille quelque peu réduite. Il ne compte plus que cinq immeubles au lieu de six. Chacun de ces immeubles aura un rez-de-chaussée, deux étages (au lieu de trois) et un duplex. Par-contre, pas de changement en ce qui concerne les parkings souterrains, les tennis, le club-house... et la réhabilitation de la villa dans laquelle seront installés cinq appartements.
La rénovation de la villa constitue en effet l'un des aspects essentiels du projet. On parle de 10 millions de francs de travaux. M. Willot ne les a pas encore entièrement chiffrés. Il les chiffre dans une fourchette située entre six et neuf millions de francs. Une somme qui permettrait notamment de restituer la grande pièce de la maison et de la proposer aux occupants des immeubles pour y organiser diverses cérémonies.
Le total des travaux pourrait, aux yeux du promoteur, donner le jour à « l'ensemble immobilier le plus prestigieux du Nord ». Chaque appartement sera d'ailleurs conçu en fonction des demandes des acquéreurs pour un prix qui devrait se situer entre 12 et 15 000 francs le mètre carré. « Chaque appartement disposera de 1 200 mètres carrés de terrain » a calculé Jean-Pierre Willot en faisant le rapport des 40 000 mètre carrés ramené au nombre de logements.
La villa elle-même gardera 20 000 m2 sur lesquels on ne construira pas. « Par-contre, nous remettrons en état le plan d'eau ainsi que la piscine ». Les immeubles s'élèveront sur les 20 000 mètres restant. La hauteur ne dépassera pas 14 mètres. Quant à la ligne, de faitage, elle se situera à 9 mètres. En ajoutant que l'habitat individuel est impossible sur les 20 000 mètres carrés si l'on se place sur un plan financier, Jean-Pierre Willot considère qu'il apporte maintenant des apaisements aux riverains de son futur ensemble immobilier.
Une opinion qui n'est pas forcément partagée par tous.
Patrice Laleine (à suivre)
Le 14 mars 1988, un nouveau permis de construire, avec quatre immeubles, est à nouveau refusé, deux jours après une nouvelle réunion du comité de quartier.
Le projet revu et corrigé par l’architecte Pierre Louis Carlier, reposait toujours sur un programme de logements collectifs mais réduit à 4, implantés en grande partie sur le terrain Willot voisin, de moindre hauteur et accompagné de la promesse de sauvegarder la villa en la transformant éventuellement en appartements. Malgré ces concessions, cette fois encore, ce nouveau projet ne reçut pas l’assentiment de l’assistance.
Lettre de Francis Debeunne, maire de Croix, aux habitants du quartier de Beaumont, le 21 avril 1988
La création de l'Association Vert Beaumont (1988)
Les riverains décidèrent d’accentuer la pression en créant le 24 juin 1988 une association de défense des riverains de la Villa Cavrois sous le nom d’Association Vert Beaumont avec pour objet :
" Assurer dans le périmètre du quartier de Beaumont, par tous les moyens appropriés.… le maintien et l’amélioration de ce secteur vert de la métropole et du site Mallet-Stevens afin que l’un et l’autre conservent leur originalité, leur aspect de promenade et de détente ainsi que l’ont voulu et continuent de le rechercher tous les résidents actuels et à venir ". C’est Jacques Cafler, riverain immédiat de la villa, qui en fut le premier président.
1988 - Premières interventions
Sollicité, Claude Piéplu qui est président de l'association de sauvegarde de la rue Mallet-Stevens à Paris (créée en 1979), intervient auprès de Jack Lang, ministre de la Culture, avec un courrier en date du 17 octobre 1988.
- L'ouverture au public du site restauré dans le cadre de visites, expositions et manifestations culturelles qui s'y tiendront
Le 24 OCTOBRE 1990
Madame, Monsieur,
Vous avez manifesté votre intérêt pour la villa CAVROIS.
Il est grand temps, maintenant, de passer à l'action.
Afin d'étudier et de créer les meilleurs moyens pour sauvegarder cette œuvre de MALLET-STEVENS, nous vous invitons à une indispensable réunion qui jettera les bases de cette future association.
Ce sera également le moment pour faire le point et le bilan sur Tout : vraies et fausses rumeurs... concernant la « maison jaune ».
Comptant sur votre présence et votre future participation active...
Pour la future association.
Vincent BOOM
Au fait... ça se passera...
Le VENDREDI 23 NOVEMBRE à 20h30 au 35 rue St Joseph à LA MADELEINE
Le CENTRE DE CULTURE ET D'ANIMATION a la gentillesse d'héberger cette première réunion.
Cela fait plusieurs années qu'à travers la région et la Métropole lilloise des voix s'élèvent pour dire le scandale que représente l'abandon et la lente dégradation d'un des monuments les plus représentatifs du style Art Déco des années 30 : la villa Cavrois à Croix, due au crayon de l'architecte Robert Mallet-Stevens.
Alors que l'imposante bâtisse acquise voici quelques années par un promoteur immobilier lillois, continue de se dégrader, une nouvelle initiative pour la sauver prend corps.
Plusieurs personnes se sont groupées et projettent de créer très rapidement une association type loi de 1901 dont l'objectif est d'alerter une nouvelle fois l'opinion publique (et les décideurs de la région a tous les niveaux) de l'urgence qu'il y a à entreprendre des travaux de restauration à la villa Cavrois (et à trouver pour cela les imposants financements que cela suppose).
M. Vincent Boom qui se trouve à l'origine de cette association en compagnie de plusieurs autres personnes elles aussi inquiètes pour l’avenir de la villa Cavrois, lance un appel à tous ceux qui se sentent concernés par l'avenir de cette demeure témoin d'une époque et d’un style.
Presque classée... mais ruinée
Il est de ceux qui ont pu se rendre compte sur place de l’état de délabrement de la bâtisse croisienne.
Aussi ne cache-il pas que sa tentative et celle de ses amis risque bien d'être la dernière et qu’on ne soit finalement obligé de raser purement et simplement l'œuvre de Mallet-Stevens avant même qu’elle ait pu être inscrite à l'inventaire des Monuments Historiques.
Car, dans ce domaine (celui du classement) les choses avancent affirme Vincent Boom (*).
(*) La villa sera effectivement classée quelques jours plus tard le 12 décembre 1990.
Ce serait quand même le comble de l’absurde que les Monuments historiques finissent par accorder une protection légale à ce qui ne serait plus qu'une ruine. C'est pourtant ce qui risque de se produire si rien n'est entrepris pensent les promoteurs de cette association de défense de la villa Cavrois, Vincent Boom le premier.
M. LECOEUR
Pour tous renseignements, on peut contacter en téléphonant au 20.55.19.51 (ou écrire au 35 rue Saint Joseph à 59110 La Madeleine).
Une réunion d’information et de débat sur les actions envisageables et sur les derniers développement de ce dossier est organisée à cette adresse le vendredi 23 novembre à 20h30.
Lettre d'Eric Laurent, le 5 décembre 1990, pour la convocation de la première réunion de la toute nouvelle Association de Sauvegarde de la Villa Cavrois, qui constituera le bureau, dont il deviendra le deuxième président après Vincent Boom, suite au décès brutal de celui-ci.
Le flyer d'adhésion à l'association
Jean-Pierre Willot : Nous avons toujours voulu préserver la Villa Cavrois
L'actuel propriétaire de la villa Cavrois et du parc alentour est M. Jean-Pierre Willot. C'est à lui, un voisin, que la famille Cavrois - pour laquelle l'architecte Robert Mallet Stevens avait réalisé cette étonnante demeure au début des années trente - a vendu la propriété il y a environ cinq ans...
On sait que M. Willot, à la tête des maisons OGEC, a toujours souhaité faire aboutir un projet immobilier dans ce cadre exceptionnel du quartier de Beaumont à Croix. Il nous a toutefois affirmé que son intention n'avait jamais été de faire disparaître la maison, par exemple en la laissant pourrir sur pied. Bien au contraire. Évidemment, beaucoup resteront sceptiques devant cette affirmation... D'autant que c'est la procédure de classement d'office qui a été lancée par la conservation régionale des monuments historiques, celle qui ne nécessite pas le consentement du propriétaire... A ce sujet, deux étapes ont été franchies : les avis favorables de la commission supérieure des monuments historiques et du Conseil d'État. Il ne manque plus que la signature du ministre de la Culture.
Aujourd'hui, sa dernière demande de permis de construire, en instruction depuis un an et demi environ, est bloquée au ministère (de la Culture, semble-t-il). M. Willot attend l'avis de l'État, tout comme la ville de Croix qui, en dernier ressort, accordera ou non le permis.
M. Willot nous a assuré que son projet, comme les précédents, prévoyait une remise en état de la villa et la réalisation de trois ou quatre petits immeubles de très haut standing implantés en retrait, de façon à ne pas défigurer la vue sur le miroir d'eau et sur le parc, juste en face de la maison. Précisons que la procédure de classement concerne le bâtiment mais aussi une partie du parc, la maison du concierge, les allées, les abords, etc... Elle impose donc le respect de cet ensemble.
L'architecte qui travaille avec lui M. Carlier, nous a confirmé, de son côté, la volonté constante de préserver l'ensemble. Lui-même reconnaît la valeur architecturale de l'œuvre de Mallet Stevens. Il ajoute qu'il n'aurait jamais collaboré à ce projet immobilier s'il avait été question de la démolir.
Les précédents permis de construire (deux semble-t-il) ont été refusés par la Ville pour différentes raisons. M. Willot invoque notamment la pression des riverains inquiets à l'idée de voir leur environnement privilégié modifié ou défiguré. Plus techniquement, une dérogation à la réglementation en matière de coefficient d'occupation des sols, demandée par les concepteurs du projet à titre de compensation à la restauration très coûteuse de la villa, explique ce refus. M. Willot a donc dû revoir sa copie...
Lorsqu'on lui parle, aujourd'hui, de la lente dégradation de la villa, M. Willot fait remarquer que la CUDL aurait très bien pu préempter lorsque la mise en vente s'est produite. Mais à l'époque, constate-t-il, la villa n'avait pas encore fait vraiment parler d'elle. Il précise aussi que le béton armé avec lequel la villa a été construite n'a rien à voir avec celui que l'on utilise actuellement : il n'a pas résisté au temps.
В.К.
Nous annoncions à la fin du mois dernier la possible installation de l'agence d'urbanisme et de développement de la Communauté urbaine de Lille dans la villa Cavrois de Croix. Il vaudrait d'ailleurs mieux dire « villa Mallet Stevens » dans la mesure où l'étonnant « paquebot » de l'avenue François-Roussel est présenté comme étant l’œuvre la plus aboutie de cet architecte décorateur représentatif de la période « art déco » (années 20). En outre, elle n'appartient plus à la famille Cavrois.
M. Francis Ampe, directeur de l'agence en question, affichait, à la fin du mois dernier, des intentions sérieuses. D'abord parce qu'il y a là un patrimoine architectural à sauver, lié à l'histoire de la métropole. Précisons à ce sujet que Robert Mallet-Stevens a été notamment directeur de l'école des Beaux-Arts de Lille entre 1935 et 1939… Et, ensuite, expliquait-il, parce que la villa répond à une volonté de M. Pierre Mauroy, président de la CUDL et à celle des élus du Versant Nord Est de voir s'installer l'agence chez eux. Ajoutons que la Fondation européenne pour la ville et l'architecture (FEVA) a aussi l'intention d'être hébergée dans le cadre exceptionnel offert par la villa et le quartier de Beaumont.
Restait cependant des inconnues qui conditionnent la suite de ce projet : le coût de l'opération qui dépendra d'une part des négociations avec l'actuel propriétaire (M. Jean-Pierre Willot qui poursuit de son côté un projet immobilier) et d'autre part de l'évaluation des frais de remise en état.
Depuis le 12
Aujourd'hui, un nouvel élément entre en ligne de compte : le classement de la villa Mallet Stevens. Le décret du ministère date du 12 décembre dernier. Ce dernier précise « ... Est classée en totalité parmi les monuments historiques, pour être remise en état, la villa Cavrois... ainsi que son environnement immédiat (terrasses, piscine), la maison du gardien, les dégagements circulaires pour l'accès en automobile, l'emplacement de l'ancien miroir d'eau actuellement comblé et des allées l'encadrant figurant au cadastre... ». Le journal officiel du 18 décembre ajoute que le propriétaire actuel est la société à responsabilité limitée dénommée Kennedy Roussel dont le siège est à Lille, rue de l'Hôpital-Militaire.
Association de sauvegarde
Ajoutons qu'une association de sauvegarde de la villa Cavrois est bien en cours de constitution. Un bureau provisoire a été mis en place en attendant le dépôt des statuts. Elle s'est également trouvée un pied à terre à Croix (à l'office culturel de la commune). Nous aurons sans doute l'occasion de donner plus de précisions sur cette association qui prendra corps en début d’année mais on peut d’ores et déjà dire qu'elle se donnera notamment pour mission de veiller ce que la villa devienne un lieu public et valorisé...
B. Kr.
La villa Cavrois sera sauvée !
Cet édifice Arts déco, construit en 1932 par Mallet-Stevens pour M. Cavrois, industriel, à Croix, près de Roubaix, vient en effet d'être classé d'office. Cette procédure exceptionnelle permet aux Monuments historiques d'intervenir, notamment de mettre en demeure un propriétaire récalcitrant de faire réaliser les travaux nécessaires à la sauvegarde du bâtiment.
La maison a été vendue en 1987 à Jean-Pierre Willot. Celui-ci envisageait alors de monter une opération immobilière s'étalant sur sa propriété et sur le parc, voisin, de la villa Cavrois... laquelle était vouée à un découpage en appartements de standing. Alerté, le conservateur régional des Monuments historiques déclenchait une première instance de classement, ce qui « gelait » tout projet.
Découvrez ici des clichés de la Villa Cavrois squattée
Dégradation.
En réplique, Jean-Pierre Willot vida la villa et la laissa inhabitée. Rapidement, l'état de la demeure s'est dégradé. Régulièrement « visitée », squattée, bombée, la bâtisse donne aujourd'hui une impression affligeante. En outre, les techniques de construction choisies par Mallet-Stevens se révèlent fragiles et le béton de 1932 peu résistant à l'épreuve du temps. Le coût de la restauration pourrait avoisiner 50 millions de francs.
Qui va payer ?
Probablement pas Jean-Pierre Willot qui cherche à vendre depuis l'an dernier, mais qui projette toujours la construction de petits immeubles sur la partie du parc qu’il veut conserver. Les acquéreurs potentiels ne sont pas légion. Le département du Nord semble reculer devant le prix de l'opération. En revanche, Francis Ampe, le directeur de la toute nouvelle agence de développement et d'urbanisme de la communauté urbaine de Lille, qui n'a toujours pas de locaux, affirme haut et clair son intérêt pour « ce lieu exceptionnel, symbole de tradition et de modernité ».
Des « locataires » prestigieux ?
Le projet, monté par Francis Ampe, pourrait associer Profeva, la société d'études qui « planche » sur le dossier Feva, cette fondation européenne pour la ville et l'architecture, censée s'inscrire dans le centre Euralille. La villa pourrait également accueillir un centre de création interdisciplinaire dépendant du musée d'Art moderne de Villeneuve-d'Ascq, musée qui a reçu, en 1987, une exposition consacrée à Mallet-Stevens et dont le principal actionnaire est celui de l'ADU, c'est-à-dire la communauté urbaine de Lille. Les négociations vont bon train.
Dans l'entourage de Pierre Mauroy, président de la CUDL, on avoue qu'on aimerait bien compter parmi les inaugurations prévues pour la mi-1993 celle de la villa Cavrois réhabilitée, prête à accueillir les institutions communautaires les plus prestigieuses.
Annick Loréal
Le paquebot ne coulera pas
Lorsqu'il imagina la villa qui trône avenue François-Roussel à Croix, le célèbre architecte Robert Mallet Stevens ne se contentait pas de dresser les plans d'une banale demeure. Celui qui fut directeur de l'École des Beaux-Arts de Lille dans les années trente entendait créer de nouveaux rapports entre l'homme et son entourage. Les demeures bourgeoises de l'époque étaient autant de châteaux miniatures refermés sur eux-mêmes ? Le « paquebot » ferait la part belle à la lumière, aux baies vitrées, à l'ouverture sur l'extérieur. Place au dynamisme, au sport, à une vie saine. Place à l'éclatement.
Sans un geste, un ressaisissement, une initiative marquante, cette concrétisation de l'école architecturale des années 30 était vouée à la perte. Le « paquebot » allait couler corps et bien. L'heureuse nouvelle est venue du journal officiel du 18 décembre dernier, contenue dans quelques lignes d'une froideur toute administrative : « Est classée en totalité parmi les monuments historiques, pour être remise en état, la villa Cavrois ».
Il était moins une ! Une petite visite sur place vous en dirait plus que tous les commentaires. Imaginez l'état d'un appartement qui aurait reçu successivement la visite de vandales, de voleurs et d'une tornade, vous aurez une idée des dégradations qui sont à déplorer.
Pour l'heure, le classement change nombre de données et fait quelques heureux.
Francis Ampe à la barre ?
Tout d'abord, le projet immobilier pour lequel le propriétaire actuel - la famille Willot - envisageait d'utiliser le site risque fort de tomber à l'eau. Mais surtout, Francis Ampe, le directeur de la nouvelle Agence de Développement et d'Urbanisme (A.D.U.) de la Communauté Urbaine, voit ses espoirs se renforcer.
L'A.D.U. est en effet à la recherche d'un siège digne de ce nom, « à la fois bien situé dans la Métropole, symbolique, connu internationalement, historique, porteur de modernisme, et pouvant servir de lieu de rencontre », comme l'explique Francis Ampe.
Euh... à part la villa Cavrois, je vois pas !
Les tractations battent donc actuellement son plein, A.D.U. s'engageant, en plus de l'acquisition, à mettre en œuvre un véritable programme de réhabilitation. Les devis pourraient être demandés dès la signature de l'acte rendant l'agence propriétaire. Pour le moment cependant, rien n'est assuré et Francis Ampe et son équipe s'apprêtent à emménager place du Concert à Lille.
Quelle que soit l'issue des négociations il faudrait en effet attendre de nombreux mois avant que la remise en état du « paquebot » de Mallet Stevens rende celui-ci habitable.
La Villa Cavrois est classée mais qui la sauvera ?
Villa Mallet Stevens : appel pressant à MM. Derosier et Mauroy !
Vendredi soir, à Croix, la toute récente « Association de sauvegarde de la villa Cavrois » a tenu une première réunion, afin de présenter ses objectifs. Plus de trente personnes y ont pris part.
La fameuse maison jaune aux allures de paquebot, réalisée au début des années trente pour la famille d’un industriel, est sans doute, rappelons-le, l’œuvre la plus aboutie et la plus représentative de l’architecte et décorateur « art déco » Robert Mallet-Stevens… En décembre, d’ailleurs, l’étonnante demeure, plantée au cœur du quartier de Beaumont, a été classée monument historique.
Les actuels responsables de l'association ont annoncé leur intention d'adresser une pétition à M. Derosier, président du conseil général, et une autre à M. Mauroy, président de la CUDL, afin de les alerter sur l'état de dégradation de la villa qui ne cesse de s'accentuer. Malgré son classement, vandales .et récupérateurs y ont toujours toutes les facilités d'accès. Un chef d'œuvre est, pour eux, en péril.
Comme l'a résumé le président provisoire, M. Laurent, « Deux logiques s'affrontent : la logique culturelle des amoureux de la villa et la logique financière du propriétaire, M. Willot ».
Le siège de l'association se trouve à l'office culturel de Croix, 68, rue Jules-Guesde, où les membres ont l'intention de se réunir chaque dernier vendredi du mois, à partir de 20h30.
Entre temps plusieurs projets de lotissements avaient vu le jour, l'un avec 6 tours de 6 étages, deux autres avec 5 puis 4 immeubles... Devant l'impossibilité de réaliser ses projets le propriétaire laisse la villa à l'abandon.
Plan dit d'intégration prévoyant la construction de 4 immeubles dans le parc de la Villa Cavrois. Enregistré par le service d'urbanisme de la ville de Croix le 13 avril 1989 sous le n° 5916389B0012. © Archives ASVC.
La Voix du Nord du mardi 11 octobre 1988
Le conseil régional de l'Ordre des architectes par l'intermédiaire de son président, Michel Lenglart, vient d'adresser une lettre au maire de croix, pout exprimer son inquiétude quant à la sauvegarde de la villa Gavrois (sic) », chef-d'œuvre architectural de Robert Mallet-Stevens.
Voici la teneur de cette lettre :
« Nous avons l’honneur de porter à votre connaissance que le conseil de l'Ordre des architectes du Nord/Pas-de-Calais a appris que la « Villa Cavrois » construite par Mallet-Stevens en 1934, sur le territoire de votre commune était l'objet d'actes de vandalisme.
En 1987, l’Ordre avait participé financièrement avec d’autres organismes, au montage de l'exposition Mallet-Stevens organisée au musée d'art moderne de Villeneuve d’Ascq. Nous avions fait des efforts auprès de la profession, de nos partenaires, des médias, du public pour que cette manifestation ait le succès qu'elle méritait d'avoir et qu'elle a obtenu.
C’est dire à quel point les architectes sont consternés d’apprendre que l'œuvre conçue à Croix par leur éminent confrère, risque de disparaître.
Le Conseil de l’Ordre a décidé solennellement et à l’unanimité d’attirer votre attention par courrier sur cet état de fait et d’en adresser copie à M. Claude Piéplu, président l'association Mallet-Stevens.
Délicat dossier
Sur 40 000 m2 constituée par la Villa Cavroy (sic) et son terrain ainsi que par la propriété voisine de ses parents, Jean-Pierre Willot fils avait le projet d’édifier un ensemble immobilier dessiné par l'architecte Pierre-Louis Carlier. Situé au cœur d’un quartier résidentiel, cet ensemble devait comprendre cinq immeubles de deux étages et la Villa Cavroy (sic) aurait été réhabilitée afin de devenir un lieu mis à la disposition des habitants…
Mais ce projet d’une certaine densité a été refusé une première fois par le maire de Croix et il semble déplaire à des propriétaires fort soucieux que leur environnement soit préservé (et pas toujours sensibles au charme de la Villa !) Depuis le mois de mai, au moment où ce dossier a été présenté dans « La Voix du Nord », on attend la suite.
Illustration
Cette 2 CV Citroën calcinée et désossée, visible en photographie dans l'article de presse de 1988, était toujours présente en octobre 1992. Cliché de Maryo Gizelo © Amis de la Villa Cavrois.
« Une demeure 1990
Parmi les architectes manifestement modernes, seul Robert Mallet-Stevens réconcilia presque grâce à la synthèse formelle la double mission croisée de l'industrie contre l'artisanat et de l'architecture contre la décoration (...)
La dernière commande privée de sa carrière fut une villa spectaculaire avec un revêtement de briques soigné, qu'il construisit pour Monsieur Cavrois à Croix en 1932 (1).
Depuis qu'en 1985 Kenneth Frampton avait enfin situé Mallet-Stevens dans une histoire générale de l'architecture moderne, on pouvait penser que rien ne mettrait en doute la nécessité de préserver ses quelques bâtiments encore présents en France.
En 1986, les éditions Philippe Sers publiaient un ouvrage « Rob Mallet-Stevens, architecture, mobilier, décoration » sous la direction de J.F. Pinchon.
La même année, Pierre Joly développait dans « l'Œil » - du mois d'octobre, une analyse de ce chef d'œuvre de modernité. Jean-Claude Garcias, dans la revue « Beaux-Arts » du mois de septembre, évoquait le Modern'swing de Mallet-Stevens et plaçait la villa Cavrois dans l'ensemble de la production de l'architecte.
En 1987, le Musée d'Art Moderne de Villeneuve d'Ascq, situé à quelques kilomètres de la villa Cavrois, reçoit une exposition consacrée à Mallet-Stevens.
En 1988, le Musée des Arts décoratifs, dans son catalogue de l'exposition à propos de l'Union des Artistes Modernes illustrait les pages consacrées à Mallet-Stevens par trois photos de la villa Cavrois.
Au mois de juin, dans la revue « Monuments historiques », J.F. Pinchon soulignait le danger qui planait sur la villa alors que dans le Thésaurus 1989 de l'Encyclopédie Universalis, Yves-Alain Bois, confiant, parlait de la forteresse imprenable que constitue la villa Cavrois a Croix, (qui) semble aujourd'hui tout aussi protégée qu'au temps de sa construction. Les photos qui illustraient ces articles sont peu en rapport avec l'état actuel de l'édifice. Elles donnent une image fausse et persuadent d'une existence qui, au train où vont les choses, ne sera bientôt plus que virtuelle.
En effet, au moment même où les textes montraient tout l'intérêt de la villa Cavrois, celle-ci subissait un sort peu enviable. Vendue par la famille Cavrois à un promoteur immobilier, elle avait déjà été vidée de ses meubles. Le mobilier intégré avait, été démonté et il ne restait pratiquement plus que la salle de bain qui, depuis, a été saccagée. La visite des lieux prend maintenant des allures de catastrophe et la demeure des allures de ruine.
Depuis trois ans, en effet, la villa Cavrois est squattée, murée, bombée, saccagée, découpée, dépecée, volée, mais aussi soigneusement démontée.
L'escalier hélicoïdal d'accès à la salle à manger des enfants murée. La végétation commence à se développer de façon anarchique. Cliché avril 1990 © Frédéric Schwalek.
Les dégâts seront bientôt irréparables.
Comment peut-on en être arrivé à ce triste constat alors que tout semblait réuni pour qu'un soin particulier soit apporté à la conservation de cette demeure ? (2)
La lenteur et les hésitations des représentants des institutions concernées par le patrimoine et la culture depuis trois ans expliquent en partie cette occasion manquée de marquer le départ d'une réelle politique en matière de patrimoine architectural du XXème siècle dans la région Nord/Pas-de-Calais.
Manifestement tous les moyens légaux n'ont pas été utilisés. La villa n'est toujours pas classée et la vente au promoteur Jean-Pierre Willot a accéléré les dégradations. Le Conseil Général du Nord s'est déclaré acquéreur mais il semble que la demeure ne soit plus que l'objet d'un chantage immobilier dans ce quartier du Beaumont où les terrains sont fortement convoités. Les dégradations rendent plus efficace ce chantage pour ceux qui compte la valeur de cette demeure en dénombrant les m2 constructibles qu'elle pourrait libérer.
Dans le Nord de la France on semble accorder peu d'importance à cette architecture. Pourtant les projets pour une cité ouvrière à Roubaix en 1931 et pour un pavillon de la presse en 1939 à Lille, ainsi que le poste de directeur de l'École des Beaux-Arts de Lille que Mallet-Stevens occupa de 1935 à 1939 ont laissé des traces visibles dans certaines architectures locales.
La villa Cavrois, elle-même n'est pas restée insensible aux charmes de certaines influences de l'Europe du Nord-Ouest, notamment dans ses relations formelles avec le Palais Stoclet à Bruxelles (Hoffman Arch.) et l'Hôtel de ville d'Hilversum (Dudok Arch.). Cette architecture complexe aux références multiples synthétisant à la fois la tradition classique et la modernité est en quelque sorte un patrimoine vivant qui, au-delà de son statut de manifeste de l'architecture moderne recèle de nombreuses possibilités pédagogiques dans une région restée relativement imperméable à ce type d'architecture.
A Krefeld, en Allemagne, Haus Esters et Haus Lange, les deux maisons de Mies Der Rohe, dans un parc comparable en superficie et en situation à la demeure de Croix, sont ouvertes au public. Des expositions y sont organisées qui donnent la possibilité d'apprécier l'architecture et les démarches contextuelles des plus grands noms de l'art contemporain.
A Bruxelles, la ville vient d'ouvrir les grands magasins Waucquez de Victor Horta après restauration pour y accueillir un musée de la bande dessinée.
A Hyères, la municipalité vient de voter la restauration de la villa de Noailles, construite en 1925 par Mallet-Stevens (3).
Déçus par l'absence de réaction régionale, certains ont alerté le Ministre de la Culture pour qu'il prenne des mesures radicales pouvant sauver cette architecture. Quelques architectes, des personnalités (dont Claude Piéplu, président de l'Association pour la Sauvegarde de la rue Mallet-Stevens à Paris) ont alerté Jack Lang au moment où celui-ci venait d'éviter la démolition des ouvrages de Freyssinet à Reims (4).
Tous ces appels sont restés pour le moment sans réponse et sans résultat.
Richard Klein
(1) Kenneth Frampton – « L'architecture moderne, une histoire critique » Éditions Phillipe Sers, Paris 1985.
(2) Dans « Une demeure 1934 », plaquette éditée, par l'Architecture d'Aujourd'hui et reprise dans la revue, Jean Mistler, alors ministre des PTT et ancien sous-secrétaire d'État aux Beaux-Arts, s'exprimait ainsi :
« L'unité des façades de l'architecture intérieure, de l'ameublement, du parc, la recherche des éclairages tant de jour comme de nuit, l'harmonie des proportions font, de cette « demeure » une des œuvres qui marqueront notre époque ».
Il y a deux ans les PTT ont édité un timbre à l'effigie de la rue Mallet-Stevens.
(3) D'après Galeries Magazine. Décembre 89 / Janvier 90.
(4) Tout récemment, Jack Lang est intervenu pour sauver de la destruction la piscine Molitor à Paris.
Jeudi 13 septembre 1990
La maison Mallet-Stevens examinée par la Commission des monuments historiques
Cette maison, construite par le célèbre architecte Mallet-Stevens, attendait depuis bien longtemps son sauvetage. Telle un gros bateau échoué dans la banlieue de Roubaix, à Croix exactement, cette maison de maître, dans les années trente, avait pourtant fait les gros titres de la presse spécialisée.
Elle était considérée alors comme ce qui se faisait de mieux dans le domaine de l'architecture moderne. Mais, depuis, le temps et l'oubli étaient passés par là.
Il faut dire aussi que l'attention du public, surtout vis-à-vis de ce type d'architecture, n'a pas toujours été aussi précise qu'aujourd'hui : les années trente ont été longtemps méprisées. Jean-Claude Aurousseau, préfet de région, s’était emparé du problème. Et, hier, le directeur régional des affaires culturelles pouvait annoncer que cette demeure, qui va passer dans quelques jours devant la Commission supérieure des monuments historiques, sera sans nul doute classée.
En tous cas, administrativement parlant, c'est la dernière ligne droite. Il était temps car, après la période de l'abandon au fond du grand jardin, était venu le temps des pilleurs qui se sont emparés d'une bonne partie du mobilier, des vitraux, des carreaux de faïence...
Le feu vert de la résurrection
Un SOS est lancé
Nord Eclair du 12 octobre 1990
L’Association de sauvegarde de la Villa Cavrois lance un comité de soutien
La Voix du Nord des dimanche 27 et lundi 28 janvier 1991
Fin novembre 90, quelques semaines avant que n'intervienne enfin le classement comme monument historique inscrit à l'inventaire, de la Villa Cavrois, œuvre de l’architecte Robert Mallet-Stevens à Croix, une association de sauvegarde voyait le jour.
Il s'agissait d'un regroupement de quelques dizaines de passionnés, esthètes, amateurs ou spécialistes, mais qui tous souhaitaient entreprendre quelque chose (à l'époque on parlait de tentative de la dernière chance pour que ne disparaisse pas définitivement une des rares, sinon la seule œuvre qui témoigne, dans notre région, de ce qu’on a appelé le style Art Déco des années 30.
Quelques soient leurs motivations, les personnes qui s'étaient regroupées au sein de cette association manifestaient leur attachement à cette bâtisse réellement originale et à cette partie d'un patrimoine régional déjà bien maigre.
L'association a aujourd'hui déposé ses statuts et son action est repartie de plus belle avec, en prime, l'encouragement du classement officiel, intervenu à la mi-décembre. Mais qui pour autant ne règle pas le problème crucial de la prise en charge financière d'une réhabilitation déjà coûteuse et qui ne pourra que l'être encore plus si l'on ne fait rien.
Les membres de l'association de sauvegarde (une quarantaine de personnes venant pour la plupart de la métropole lilloise) se sont réunis vendredi soir dans les locaux du centre aéré de Beaumont à Croix,
Porte-parole du public
Il est question aujourd'hui de rachat de la villa, propriété d'un promoteur privé, voire de réhabilitation par une collectivité locale afin d'installer ultérieurement dedans l'Agence de Développement et d'Urbanisme de la CUDL dont le directeur, M. Ampe, n'a jamais dissimulé
Du côté de l'Association de sauvegarde, on se félicite qu'une solution de réhabilitation puisse enfin voir le jour. Mais on s'inquiète dans le même temps de la mainmise possible d'un organisme, fût-il public, sur un lieu que l'on voudrait le plus largement ouvert au public.
Les membres de l'association se veulent en quelque sorte les porte-parole de ce grand public qui n'a pas pour l'heure son mot à dire. Leurs objectifs sont donc de trois ordre.
- Le premier est d'interpeller les collectivités sur leurs intentions quant à la réhabilitation.
- Le second : être facteur de propositions pour ce qui concerne le détail de cette réhabilitation (des meubles ont été volés, des parements et des installations d'origine démontés et vendus). L'association souhaite donc être consultée sur le type d'aménagements que l'on substituera à ces matériaux d'origine et sur l'agencement intérieur.
- Le troisième : intervenir pour préserver un minimum d'accès du public à cette œuvre, sans lequel il ne pourra jamais véritablement découvrir la villa Cavrois.
Il y a urgence...
Pour parvenir à ces objectifs, il a été décider vendredi soir d'écrire aux présidents des deux collectivités locales susceptibles d'être impliquées dans la restauration et la réhabilitation de la villa Cavrois. A savoir M. Derosier pour le Conseil général et M. Mauroy pour la C.U.D.L.
L'autre action engagée par l'association c'est la constitution d'un comité de soutien composé, on l'espère, du maximum de personnalités connues en France et dans la région.
L’Avenir de la Villa Cavrois
Cet édifice Arts déco, construit en 1932 par Mallet-Stevens pour M. Cavrois, industriel, à Croix, près de Roubaix, vient en effet d'être classé d'office. Cette procédure exceptionnelle permet aux Monuments historiques d'intervenir, notamment de mettre en demeure un propriétaire récalcitrant de faire réaliser les travaux nécessaires à la sauvegarde du bâtiment.
La maison a été vendue en 1987 à Jean-Pierre Willot. Celui-ci envisageait alors de monter une opération immobilière s'étalant sur sa propriété et sur le parc, voisin, de la villa Cavrois... laquelle était vouée à un découpage en appartements de standing. Alerté, le conservateur régional des Monuments historiques déclenchait une première instance de classement, ce qui « gelait » tout projet.
Dégradation.
En réplique, Jean-Pierre Willot vida la villa et la laissa inhabitée.
Rapidement, l'état de la demeure s'est dégradé. Régulièrement « visitée », squattée, bombée, la bâtisse donne aujourd'hui une impression affligeante. En outre, les techniques de construction choisies par Mallet-Stevens se révèlent fragiles et le béton 1932 peu résistant à l'épreuve du temps. Le coût de la restauration pourrait avoisiner 50 millions de francs.
Qui va payer ? Probablement pas Jean-Pierre Willot qui cherche à vendre depuis l'an dernier, mais qui projette toujours la construction de petits immeubles sur la partie du parc qu'il veut conserver. Les acquéreurs potentiels ne sont pas légion. Le département du Nord semble reculer devant le prix de l'opération. En revanche, Francis Ampe, le directeur de la toute nouvelle agence de développement et d'urbanisme de la communauté urbaine de Lille, qui n'a toujours pas de locaux, affirme haut et clair son intérêt pour « ce lieu exceptionnel, symbole de tradition et de modernité ».
Des « locataires » prestigieux ?
Le projet, monté par Francis Ampe, pourrait associer Profeva, la société d'études qui « planche » sur le dossier Feva, cette fondation européenne pour la ville et l'architecture, censée s'inscrire dans le centre Euralille. La villa pourrait également accueillir un centre de création interdisciplinaire dépendant du musée d'Art moderne de Villeneuve-d'Ascq, musée qui a reçu, en 1987, une exposition consacrée à Mallet-Stevens et dont le principal actionnaire est celui de l'ADU, c'est-à-dire la communauté urbaine de Lille. Les négociations vont bon train.
Dans l'entourage de Pierre Mauroy, président de la CUDL, on avoue qu'on aimerait bien compter parmi les inaugurations prévues pour la mi-1993 celle de la villa Cavrois réhabilitée, prête à accueillir les institutions communautaires les plus prestigieuses.
Annick Loréal
La Villa Cavrois siège de l’Agence d’Urbanisme
La chance de la « villa Mallet-Stevens », la maison Cavrois, à Croix, c'est peut-être l'Agence d'Urbanisme et de Développement de la Communauté Urbaine.
Pour son directeur, M. Francis Ampe l'intention est clairement affichée : « notre objectif et le souhait du président Pierre Mauroy, c'est de nous installer au cœur de la métropole dans un site de qualité et dans un lieu interpartenarial. Si cela peut contribuer à sauver un patrimoine immobilier dans un lieu central, tant mieux. Nous travaillons actuellement à cet objectif. C'est aussi le seul monument de la métropole connu dans le monde entier : il figure dans toutes les études d'architecture ! Mallet-Stevens est un architecte célèbre, la maison Cavrois est un modèle. On achète actuellement un Chardin au musée de Lille : et pourtant Chardin n'est pas lié à l'histoire de la métropole. La villa de Croix, elle, l'est. C'est bien plus qu'une opportunité : c'est notre histoire ! » nous a déclaré M. Ampe, ajoutant avec agacement : « C'est presque un scandale que personne, ni la commune, ni aucune institution n'ait pu jusqu'à présent la préserver même si beaucoup s'en préoccupent... »
Intervention de la CUDL...
De tous les projets flous qui ont plané au-dessus de la maison Cavrois, cette attitude pourrait être déterminante pour l'avenir de la villa.
A la motivation du directeur de l'agence de développement et d'urbanisme semble correspondre une double volonté politique : celle du président de la Communauté Urbaine, Pierre Mauroy… mais aussi celle des élus du versant Nord-Est qui souhaitaient que l’Agence s’implante chez eux (le nom du centre Mercure avait été avance). D'autre part, d'aucuns font observer que la Communauté urbaine, compétente en matière d'urbanisme, est sans doute mieux « armée » que ne l'étaient d'autres interlocuteurs comme le Conseil général pour négocier avec l'actuel promoteur du site M. Willot.
...et de la F.E.V.A.
L'avenir de la villa Mallet-Stevens reste en particulier lié au coût de l'opération d'une part, et, d'autre part, au projet de lotissement résidentiel dans l'actuel parc qui supprimerait la perspective sur l'arrière des bâtiments.
Enfin, M. Gérard Engrand, responsable du projet de la Fondation Européenne pour la Ville et l'Architecture (FEVA), un des « grands projets du Président » qui doit s'implanter dans le cadre d'Euralille, nous a confié son souhait son équipe puisse être hébergée dès que possible dans ce cadre exceptionnel pour les architectes du monde entier.
P.P.
Lettre de Richard Klein, architecte d.p.l.g historien de l'art, enseignant à l'École d'Architecture de Lille , vice-président de l'Association de Sauvegarde de la Villa Cavrois, 32 rue de l'Hôpital Militaire 59800 Lille Tél 20 40 13 10
à Monsieur Claude Gosset, Président du CAUE du Nord, Maire de Hondschoote, Mairie, Place du Général de Gaulle 59122 Hondschoote
Lille, le 7 décembre 1992
Monsieur le Président,
Vos propos, rapportés par un article de La Voix du Nord daté du 26 novembre 1992 et intitulé « Claude Gosset secoue le cocotier » ont choqué par leur manque d'à propos les nombreux membres de notre association, les membres de notre comité de soutien et les sympathisants de la cause que nous défendons difficilement depuis plusieurs années. Nous avons donc appris que la villa Cavrois, témoin d'un mouvement un peu effacé ne vous excite pas. Faut-il donc que vous soyez excité pour que vous teniez des propos dignes d'un élu conscient et responsable ?
Conscient de la notion de patrimoine qui s'étend au-delà des moulins et des béguinages. Responsable devant vos concitoyens de toute une partie de l'histoire de l'architecture régionale, nationale et la sauvegarde de la villa, vos propos viennent renouer avec la nonchalance dont a souffert la situation de cette architecture depuis plus de cinq ans.
Enfin, puisque vos réflexions sur la villa Cavrois précèdent un développement dans lequel plane l'air du temps et la démagogie, prenez garde à ce que vos propos ne soient entendus comme les bruits de l'animal qui habituellement « secoue le cocotier ».
Restant à votre disposition pour vous faire prendre connaissance des faits objectifs qui justifient notre action dont le but principal est de faire cesser une situation scandaleuse qui entache la réputation du département du Nord, je vous prie, Monsieur le Président, d'agréer mes salutations architecturales.
Richard Klein
Rapport d'activité 1992-1993 de l'ASVC
A l'issue de notre précédente Assemblée générale du 3 avril 1992 nous nous étions fixés quatre axes d'activité :
Nous faire mieux connaître, travailler nos relations avec le nouvel exécutif du Conseil Général, amplifier la sensibilisation de la presse, définir et exprimer le projet que nous voulions pour la Villa. Où en sommes-nous ?
Se faire connaître
Deux actions ont contribué à nous faire connaître et à faire connaître la situation de la Villa :
Notre présence au Forum des Associations de la Ville de Croix. A cette occasion nous avons constitué un ensemble de panneaux photographiques qui peuvent être utilisés lors de manifestations ou d'expositions. Nous avons pu constater que l'effort de sensibilisation à faire auprès des habitants de la commune était important. Notre présence fut remarquée et a entraîné des interrogations des visiteurs.
La campagne des cartes postales, « A Croix, le bateau coule », envoyées à cinq responsables politiques ou administratifs susceptibles d'influer sur le devenir de la Villa. Elle nous a permis d'enregistrer de nouvelles adhésions, de rappeler notre existence et faire part de nos inquiétudes pour l'avenir de la Villa.
Comme avec l'exemple ci-dessus, l'édition d'une carte postale " A Croix, le Bateau coule ", l'association multipliera les actions et les interventions, avec beaucoup d'ingéniosité pour capter l'attention à une époque où les réseaux sociaux n'existaient pas !
Le Conseil Général
S'agissant de nos relations avec le Conseil Général un premier contact en mai 1992 nous avait laissé espérer une collaboration ou du moins l'existence au sein de l'exécutif d'une écoute par rapport au devenir de la Villa. Le moins que l'on puisse dire est que la suite des événements nous a ramené sur terre. Il est clair que le Département ne jouera pas de rôle moteur dans le sauvetage de la Villa. La question étant de savoir s'il jouera même un rôle.
Deux raisons concourent à cette position :
Une raison financière qui est la raison officielle mais qui nous semble plus un prétexte qu'autre chose. En effet les chiffres mis en avant ne s'appuient sur aucune étude sérieuse, englobant la totalité des données : coût d'achat, remise en état ou reconstitution, frais de fonctionnement selon le projet d'utilisation etc. Par ailleurs les dépenses s'étaleront dans le temps et le Département ne serait pas seul à intervenir.
Une raison plus culturelle et politique qui nous semble la vraie raison.
L'interview de Claude Gosset et les déclarations du Président Donnay montrent qu'ils préfèrent, ce qui est leur droit, les moulins et les retables à ce témoignage d'un mouvement qui « n'excite pas » le Vice-Président du Conseil Général. Il convient juste de remarquer qu'il ne s'agit pas de faire passer ses choix esthétiques mais de savoir si le Département du Nord veut conserver dans son patrimoine le témoignage reconnu et irremplaçable d'un moment de l'histoire de l'architecture.
Espérons que la sensibilisation progressive des élus, de toutes tendances, qui sont géographiquement concernés, permettra une approche plus objective du problème de la Villa. Le bureau de votre association s'y emploie.
Les relations avec la Presse
Trente articles relatifs directement ou indirectement à la Villa ont enrichis notre collection d'articles de presse. La presse locale est la plus représentée mais la Villa a intéressé la presse nationale, la presse professionnelle - revues d'architecture, de décoration et s'occupant de sauvegarde du patrimoine - et aussi au moins une revue étrangère. Nous pouvons constater que la Villa intéresse aussi bien pour son contenu architectural que pour dénoncer les limites d'un classement se heurtant à l'inertie du propriétaire.
Il convient de souligner le temps fort du 1er Juin avec le débat organisé par le Club « Communication et Futur » qui permit une sensibilisation et une présence médiatique importante.
Enfin à notre époque d'image la presse audiovisuelle ne nous a pas oublié puisque la Villa donna lieu au moins à deux sujets de magazine ou de journal télévisé. Là-aussi le Bureau entretient la flamme auprès des journalistes locaux qui nous apportent leur soutien et leur curiosité.
Notre projet
La grande faiblesse de notre action réside ici. Que voulons-nous faire de la Villa ? Que proposons nous comme utilisation ? Chacun nous pose la question et nous ne pouvons pas répondre. Des possibilités existent mais nous ne sommes pas assez armés pour les mettre en forme, les diffuser, en un mot : en faire notre projet. Ceci devrait constituer notre ambition pour l'avenir.
Conclusion
Une année de plus n'a toujours pas permis de sauver la Villa. Notre action doit continuer pour empêcher qu'un matin nous constations qu'un témoignage de notre histoire a subrepticement disparu dans l'indifférence générale avec la complicité passive et intéressée des promoteurs immobiliers pour qui l'environnement de Beaumont offre des perspectives alléchantes. Mais pour qui et pour quoi ?
Villa Mallet Stevens : la sauvegarde par le foncier !
En décembre, la villa Mallet Stevens, construite en 1932 dans le quartier de Beaumont à Croix, a été officiellement déclarée monument historique. Après une longue procédure de classement d'office... Mais, on l'a dit, classée ne veut pas dire sauvée, car la dégradation du " paquebot ", vendue par la famille Cavrois a M. Jean-Pierre Willot il y a cinq ans environ, n'a pas cessé pour autant.
La Communauté urbaine de Lille pressentie pour reprendre la « maison jaune », afin d'y loger notamment son agence d’urbanisme, a pris deux décisions devant lui permettre de s'assurer la maîtrise foncière du site. En même temps, elle confirme ses intentions.
Les quatre parcelles supportant la propriété (représentant en tout 26 774 m2) ont d'abord été inscrites au Plan d'occupation des sols en emplacement réservé. En outre, le président a été autorisé par l'assemblée « à engager les négociations en vue de la maitrise foncière des biens en cause... et à rechercher tous concours propres à assurer la remise en état et l'exploitation ».
Avant l'adoption de cette double décision, plusieurs constats avaient été faits dans la délibération, démontrant tout l'intérêt manifesté par la CUDL pour l'édifice croisien : son état actuel d'abandon et de dégradation, sa valeur en tant que patrimoine et en qualité d'œuvre particulièrement représentative de la période « art déco » et, enfin, toutes les possibilités qu'elle pourrait offrir une fois réhabilitée implantation de services d'intérêt général et organisation de manifestations.
Avant de débattre, ils ont entendu Jacques Repiquet et Cécile Briolle, architectes, leur expliquer comment à Hyères, on avait réussi à sauver la Villa Noailles, autre chef-d'œuvre de Robert Mallet-Stevens.
La question reste posée. Il n'y a toujours pas de réponse et elle s'enfonce lentement mais sûrement, dans la décrépitude. Jacques Donnay a réaffirmé le désengagement du département : " Le département qui à ses yeux n'a pas les moyens d'entretenir une danseuse ".
Villa Cavrois : le Département abandonne
Nord Eclair vendredi 4 juin 1993
Le club Communication et Futur, animé par Alain Mayeu, a réuni, mardi soir, dans une même salle les différentes personnes mêlées au sauvetage de la villa Cavrois de Croix, un immeuble des années 30 dû à l'architecte Mallet-Stevens et classé monument historique depuis trois ans.
Le président du Conseil général, Jacques Donnay, a été clair : le département n'est plus intéressé par l’achat de la villa. Celle-ci « ne » coûte que 18 millions de francs, mais les travaux de remise en état selon les vœux des monuments historiques s'élèvent à 50 ou 60 millions de francs.
Insupportable pour le seul Conseil général, qui a d'autres dépenses urgentes à assumer ailleurs, notamment dans ses collèges. Mais que deviendront l'immeuble et son parc de 2,5 hectares ! Quel mécène sauvera ce qui est considéré comme un chef d'œuvre architectural ? Une autre villa du même architecte a été sauvée à Hyères. Il faut croire que le Midi fait mieux en la matière que le Nord...
Lettre ouverte de Jean-Michel Stiévenard, le 17 juin 1993
Jean-Michel Stiévenard, Premier Adjoint
Secrétaire au bureau de la Communauté Urbaine de Lille, Conseiller Général du Nord
Hôtel de Ville, B.P. 89. 59652 Villeneuve d'Ascq cédex
Téléphone : 20.43.50.16.
Villeneuve d'Ascq, le 17 juin 1993
Lettre ouverte à M. le Président du Conseil Général du Nord par Jean-Michel Stiévenard, Premier Adjoint à la mairie de Villeneuve d’Ascq, Secrétaire au bureau de la Communauté Urbaine de Lille, Conseiller Général du Nord
Monsieur le Président,
Vous avez déclaré devant le Club Communication et Futur que le projet du Département sur la villa Mallet Stevens était abandonné. Comme il ne s'agit que d'un compte-rendu de presse, je pense que vous n'avez pu prononcer une parole aussi définitive avant d'avoir consulté notre assemblée. Nous sommes déjà engagés depuis juin 1989 et ce qu'a décidé une assemblée, seule une autre assemblée pourrait s'en dédire.
Au-delà du respect des engagements, au-delà même de la continuité d'une institution qui doit respecter ses décisions quelle qu'en soient les dirigeants, il y a un devoir moral à continuer sur la voie engagée par le Président Derosier. La villa Cavrois est un monument qui appartient à notre patrimoine, celui de notre Département et celui de l'architecture mondiale.
On ne peut pas rester muet devant sa dégradation, et sa disparition prochaine. La précédente assemblée avait aussi à faire face à d'énormes charges sociales, à des dépenses importantes dans les collèges, mais elle avait compris qu'il fallait aussi faire un effort pour sauver la villa construite par l'architecte Mallet Stevens. Il faut toujours faire cet effort, personne ne nous pardonnera de ne pas avoir appelé à une mobilisation générale pour sauver ce bâtiment.
Le Département ne peut pas tout faire, et il ne doit pas tout assumer sauf sa responsabilité morale.
Monsieur le Président du Conseil Général du Nord, il est nécessaire que vous preniez l'initiative d'une table ronde des institutions : la Ville de Croix, la CU.D.L., le Département, la Région, l'État.
Il faut avoir l'humilité de comprendre que si on ne peut pas faire seul, il faut associer les autres. Ce devoir de mobilisation implique :
- D'en parler sans cesse comme d'une priorité,
- Quand vous avez l'occasion d'un entretien avec un Premier Ministre ; il ne faut pas hésiter d'en appeler à l'aide de l'État.
Où est le dossier que vous lui avez remis sur ce thème ?
- Il faut multiplier les démarches dans les Ministères.
Il faut rassembler dans une fondation les partenaires privés, des riverains, des entreprises, des défenses du patrimoine qui seront prêt à associer leur effort à celui des collectivités publiques.
Ce qui est nécessaire aujourd'hui n'est pas la réhabilitation de la Villa Cavrois, c'est sa préservation, son maintien debout, l'arrêt de la dégradation. Pour le reste, il est possible d'attendre des jours meilleurs. Une génération future aura peut-être la volonté et les moyens de la remettre en service et de la faire revivre. Mais elle ne le pourra que si nous lui livrons un bâtiment préservé.
Monsieur le Président du Conseil Général du Nord, cette génération future attend de vous :
1 - Que vous confirmiez que le Département, dans le cadre de sa politique de préservation du patrimoine, reste pilote de l'opération,
2 - Que vous preniez l'initiative d'une table ronde de tous les partenaires,
3 - Que soit mis en place un plan d'urgence pour la préservation de ce bâtiment.
Une formule célèbre dit que nous ne sommes que les gestionnaires de l'héritage de nos enfants. Si vous acceptez ce plan d'action, nous aurons fait notre devoir et rempli nos responsabilités vis à vis de nos futures génération des gens du Nord.
Je vous prie de croire, Monsieur le Président, en l'expression de mes sentiments distingués.
Jean Michel Stiévenard
Premier Adjoint au Maire
Conseiller Général du Nord
Les raisons de ce désintérêt
Extrait d’une lettre d’Éric Laurent, Président de l’ASVC, le 22 février 1993 à Monsieur Patrick Durand Vice-Président Architectes & Urbanistes Associés 244, rue de la Croix Nivert 75015 - Paris
Roubaix, le 22 février 1993
Cher Monsieur,
C'est avec un léger retard que je réponds au membre le plus actif de notre association. En effet, il ne se passe de semaine sans que je ne reçoive une copie des courriers d'interventions que vous adressez dans les différents milieux susceptibles de soutenir notre action. Ces lettres nous font le plus grand bien, les membres du bureau sont, pour le moins désabusés et inquiets sur le devenir de la villa. Toute l'action que nous avions conduite en direction du Département du Nord, n'aboutit à rien et surtout n'aboutit pas. Il y a, au niveau du Conseil Général, un désintérêt pour la villa.
A mon avis, il y a trois raisons à cela :
La première est de l'ordre de la politique politicienne, en permettant ainsi de mettre en cause l'action de l’ancienne majorité qui n'a pas su gérer ce dossier. S'ajoute être à cela la réduction possible de l'écart politique existant entre le propriétaire et la nouvelle majorité politique.
La deuxième raison, fort compréhensible, est d'ordre financier. Le Département fait preuve, à ce niveau de prudence et d'inquiétude sur un éventuel engagement.
La troisième raison, à mon sens la seule vraie, est qu'il s'agit d'un désintérêt total pour ce que la villa représente. Elle est, aux yeux de beaucoup, hors normes, signe d'un goût douteux d'un bourgeois local qui ne s'est pas conduit comme les autres constructeurs de l'époque. Il y a là une forme de rejet de l'œuvre, de l'artiste et du commanditaire. Elle est trop éloignée du flamand classique et des racines régionales.
S'ajoute à cela, un manque d'imagination pour son utilisation. Elle n'est donc susceptible d'intéresser que des « esthètes décadents cosmopolites ».
Tout concourt donc au constat que nous avons fait lors de notre dernière réunion mensuelle, que la solution ne peut venir que de l'extérieur de la région, dans la recherche d'un « mécénat » national ou étranger. C'est l'action que nous allons conduire maintenant en essayant de nous introduire dans les réseaux qui peuvent influer sur les décisions.
Voilà où nous en sommes. Un constat qui n'est pas satisfaisant et une villa qui se dégrade de plus en plus sous l'effet conjugué des intempéries et des vandales.
En souhaitant que ces tristes nouvelles ne brisent ni nos rêves, ni nos élans, je me permets de vous transmettre, au nom des membres du Conseil, mes meilleurs sentiments.
Lettre du président de l’ASVC à Pierre Mauroy le 23 mars 1994
Le 23 mars 1994 Monsieur Pierre Mauroy
Président de la Communauté Urbaine de Lille
1 Rue du Ballon, Boite Postale n° 749 59034 Lille Cedex
Objet : Villa Cavrois à Croix
Monsieur le Président,
Je vous remercie pour la lettre que vous m'avez adressée à le suite de mon appel au recours à patrimoine danger. Attaché que je suis à ces choses qui agrémentent, l'environnement humain je souhaite ardemment que des réponses soient apportées à ces importantes questions.
Dans cette attente je vous prie d’agréer, Monsieur Le Président, l'expression de mes distinguées salutations.
1995 - Une expropriation ?
La Voix du Nord du 31 janvier 1995
Villa Cavrois elle revient dans le débat politique
Article paru dans Nord Éclair le 15 avril 1995
« Je suis scandalisé de l'état de délabrement dans lequel se trouve actuellement la villa Mallet-Stevens de Croix », a déclaré vendredi midi le maire de Roubaix. M. Vandierendonck, lors de l’assemblée générale de l'agence d'urbanisme. Ce faisant, il entendait inciter la Communauté urbaine à affirmer « une volonté politique et financière » pour sauver cette œuvre architecturale, aujourd'hui classée, connue dans le monde entier mais tombant en décrépitude.
Pierre Mauroy, président de la Communauté urbaine de Lille, a lui, affirmé que le dossier de la villa fut un des premiers qu'il ait saisi en 89 lorsqu'il devint président de la CUDL... Depuis, les projets n'ont pas manqué. Sans aboutir toutefois. La toute jeune agence de développement et d'urbanisme et son directeur Francis Ampe en firent un cas d'école, se proposant même de s'y installer à demeure. Peine perdue.
Parallèlement le Conseil général du Nord et son président Bernard Derosier engageaient une action de préservation et dialoguaient avec le propriétaire, M. Willot, qui obtenait de l’assemblée départementale une promesse d'achat. Mais l'alternance au Département en 1992 - et le peu d'empressement sur ce dossier de la nouvelle majorité qui avait d'autres urgences - na pas permis de concrétiser ce projet. D’autant que le propriétaire, promoteur immobilier, montrait les dents. Il acceptait de céder la villa... mais non le parc où il se proposait de réaliser un lotissement de haut standing dont le permis de construire avait été bloqué...
Expropriation ?
On en est là. Le maire de Croix. M. Debeunne, a souhaité vendredi matin que l'on fédère les volontés. Il affirme que pour sa part l’État accepterait de participer au tour de table, le préfet et la directrice du patrimoine au ministère, Mme Maryvonne de Saint-Pulgent, étant venus sur place il y a quelques semaines. Dès lors M. Mauroy lui a suggéré « Vous êtes le seul Monsieur le maire en possession d'élément de réponse ». Puisque l'accord amiable semble exclu, le maire de Croix ira-t-il jusqu’à l’expropriation ? La collectivité concédera-t-elle au propriétaire le droit de lotir le parc sans lequel la villa perdrait toute perspective ?
L'association pour la défense de la villa Mallet-Stevens (ex-Cavrois) qu'anime notamment l'architecte M. Klein a pour parrain le comédien Claude Piéplu. Il y a quelques jours ces passionnés d’architecture contemporaine imploraient le sauvetage de l'édifice et refusaient le démantèlement du parc. Ont-ils été entendus ? Tranchera-t-on pour autant dans le vif ? Pour Pierre Mauroy, « il arrive un moment où la négociation n'est plus honorable pour personne ».
P.P.
Illustration : Cette semaine, les responsables de l'association, MM. Éric Laurent, Richard Klein et Mathieu Hazard entourés d’amis et d’amateurs, ont repéré les lieux et procédé à une répétition de la cérémonie de ce samedi ou l’on attend du monde et notamment des représentants haut placés de la culture locale et régionale. Photo Guy Sadet - Nord Eclair.
Des « procédures coercitives » de l'État vont sauvegarder la villa Cavrois de Mallet-Stevens Le mystère de la maison jaune prend fin !
La Voix du Nord du 5 mars 1996
Plantée depuis 1932 au cœur d'un parc de 2 hectares, dans un quartier résidentiel de Croix, comme une île farouche et solitaire dans une mer hostile, lai spectaculaire villa Cavrois, « paquebot » avant-gardiste du dandy-architecte des années folles Rob Mallet-Stevens, était victime d'une longue dérive, à la recherche incessante d'un port d'attache. Elle obtient enfin, grâce au soutien du ministère de la Culture, une bien tardive reconnaissance.
En effet, malgré son classement « Monument historique » en 1990, ce grand vaisseau de briques ocres perdait au fil du temps sa valeur patrimoniale. La situation n'était plus grave mais désespérée étant donné son état de délabrement indescriptible. Pourtant différents projets avaient été avancés successivement ces dernières années. Tout d'abord un projet de construction, en 88, de résidences tandis que le dernier propriétaire, Jean-Pierre Willot, prévoyait de transformer la villa en appartements de standing. Ce projet ne se fera pas, la mairie de Croix rejetant le permis de construire. En 89, le département pense alors l'acquérir pour en faire un lieu d'exposition d'art contemporain. Aussi, une procédure de classement d'office, mesure exceptionnelle, est diligentée par l'État pour protéger ce témoignage essentiel du mouvement moderne, en gelant tout projet immobilier.
Le « péril jaune »
Puis en 90, on parle de l'installation de l'agence d'urbanisme et de développement de la CUDL ou de la FEVA, la Fondation européenne pour la Ville et l'Architecture. En 92, le département prévoit à nouveau de l'acheter pour la somme de 4 MF mais le changement de majorité fait là encore capoter le projet. La maison jaune devient le « péril jaune ».
On reparle cependant d'en faire une fondation. Mais personne n'accepte de débourser 50 MF. Aujourd'hui, le naufrage prend fin avec la confirmation par la DRAC d'une estimation financière par les Domaines depuis l'automne dernier, de l'achèvement d'une étude finalisée, tranche par tranche des travaux et enfin de « procédures coercitives » depuis la fin 95, à l'encontre du propriétaire. La DRAC précise que la procédure initiale est la mise en demeure de travaux d'urgence jusqu'à l'expropriation au profit d'un tiers. Actuellement, on ne sait pas vers laquelle de ces éventualités, la négociation s'est engagée.
Brigitte Lemery - Photo Philippe Pauchet
Article paru dans la Voix du Nord du 14 juin 1996
Le comité de sauvegarde de la villa Cavrois, à Croix, a lancé une pétition en français et en anglais sur Internet pour « inciter » le ministre de la Culture « à prendre les mesures efficaces qui sont de plus en plus urgentes » compte-tenu de l’état déplorable de chef-d'œuvre de l'architecture des années 1930, signé Robert Mallet-Stevens.
Construite pour un riche industriel Paul Cavrois, la villa a été classée monument historique en 1990. Ce qui a empêché l'actuel propriétaire, Jean-Pierre Willot, ancien patron du groupe textile portant son nom, de construire comme il le souhaitait des immeubles collectifs sur le site. Les accès ont été grillagés ou murés, mais la villa a été pillée.
L'association de sauvegarde a tenté à plusieurs reprises de la faire réhabiliter, et avait même suggéré d'en faire le siège de la Banque européenne. Selon les experts, réhabiliter la villa couterait de 15 à 40 MF.
L'association de sauvegarde explique dans un communiqué qu'elle a découvert sur Internet, à la page consacrée à Lille dans le serveur de la Maison de France (ministère du Tourisme), une incitation à visiter la villa... alors que celle-ci est très dégradée. « On imagine la tête des touristes... » écrit-elle.
La Voix du Nord du mardi 2 avril 1996
Le poisson d’avril auquel vous avez échappé
La Villa Cavrois Olympique
Dans la métropole, l'arc géographique regroupant déjà les équipements sportifs destinés à recevoir les épreuves olympiques en 2004 s'enrichit aujourd’hui d'une implantation supplémentaire. En effet, le comité lillois vient d’annoncer officieusement sa décision d'accueillir lors des cérémonies la délégation, officielle, du Comité international olympique dans la Villa Cavrois à Croix, chef d'œuvre de Robert Mallet-Stevens. Après moult vicissitudes depuis dix ans, la Villa se verra restaurée très prochainement, à l’issue de la procédure d'expropriation (actuellement en cours) au profit du ministère de la Jeunesse et des sports.
L'idée d'héberger la délégation du CIO dans une villa moderne peut paraître saugrenue et pourtant...en 1948, déjà lors des Jeux Olympiques de Londres, le Comité avait fait escale le 29 juillet à Croix, à l'invitation personnelle de M. Cavrois ami de longue date de Sir Percival Bartlebooth, président du Comité olympique britannique de l’époque (voir notre photo d’archives). Au bout du miroir d’eau, une plaque commémorative rappelle cet événement ainsi que la présence parmi le groupe d’Émile Zatopek, qui allait remporter quelques jours plus tard le 10 000 mètres sur les pistes anglaises. Cette fois, ce n'est plus pour une traversée de la Manche mais pour une croisière locale que le « paquebot jaune » comme on l’appelle va hisser le pavillon olympique. La délégation internationale dirigée par M. Antonio Samarrange sera composée de 26 membres qui seront logés dans la villa remise à neuf. Seule la piscine ne sera pas aux normes olympiques, mais le miroir d’eau restauré pourrait accueillir les démonstrations d'une nouvelle discipline, la nage en solitaire très prisée dans la région qui compte déjà une fédération, la FRNS… Ainsi, c'est grâce à la flamme olympique que, ce phénix de l'architecture française va renaître de ses cendres pour célébrer la rencontre de la culture et du sport, du génie créatif et de l’effort physique.
Sir Percival Bartlebooth (assis à droite) en compagnie de Monsieur Cavrois et de ses invités dans les jardins de la villa en Juillet 1948.
La Voix du Nord du jeudi 7 mars 1996
La Voix du Nord des 26 et 27 mai 1996
Voix-ci… Voix-là !
Le chemin de Croix passe par l'Élysée
Mieux vaut s'adresser au bon Dieu qu'à ses saints.
Après avoir alerté élu locaux, départementaux, régionaux, nationaux et ministres, l'association de sauvegarde de la villa Cavrois, à Croix, vient d'écrire à l'Élysée. Pour plaider la cause de cette remarquable demeure signée de l'architecte Mallet-Stevens et désormais classée monument historique mais à l'abandon depuis 10 ans, les amis de la villa ont retrouvé un texte vieux de dix ans lui aussi. L'hommage en question vante les mérites de Mallet-Stevens. Il est signé par un certain Jacques Chirac, à l'époque maire de Paris. Sera-ce suffisant pour espérer un petit coup de pouce présidentiel ?
La Voix du Nord du vendredi 14 juin 1996
Patrimoine - Villa Cavrois à Croix
Pétition sur Internet
Le comité de sauvegarde de la villa Cavrois, à Croix, a lancé une pétition en français et en anglais sur Internet pour « inciter » le ministre de la Culture « à prendre les mesures efficaces qui sont de plus en plus urgentes », compte tenu de « l'état déplorable de ce chef-d'œuvre de l'architecture des années 1930, signé Robert Mallet-Stevens.
Construite pour un riche industriel roubaisien, Paul Cavrois, la villa a été classée monument historique en 1990. Ce qui a empêché l'actuel propriétaire, Jean-Pierre Willot, ancien patron du groupe textile portant son nom, de construire comme il le souhaitait des immeubles collectifs sur le site. Les accès ont été grillagés ou murés, mais la villa a été pillée.
L'association de sauvegarde a tenté à plusieurs reprises de la faire réhabiliter, et avait même suggéré d'en faire le siège de la Banque européenne. Selon les experts, réhabiliter la villa coûterait de 15 à 40 MF.
L'association de sauvegarde explique dans un communiqué qu'elle a découvert sur Internet, à la page consacrée à Lille dans le serveur de la Maison de France (ministère du Tourisme), une incitation à visiter la villa... alors que celle-ci est très dégradée. « On imagine la tête des touristes... » écrit-elle.
Pour avoir accès à ce site http : //www.nordnet.fr/mallet-stevens.
1997 - L'indifférence générale
Réponse d’Alain Seban le 20 mars 1997
Monsieur le Président,
Vous avez bien voulu faire parvenir au Ministre de la culture un texte co-signé par une trentaine d'architectes internationaux relatif au devenir de la villa Cavrois de l'architecte Robert Mallet-Stevens, située à Croix dans le Nord.
Philippe Douste-Blazy a pris connaissance de votre lettre avec le meilleur intérêt et m'a chargé de vous répondre.
La villa Cavrois qui est classée parmi les monuments historiques par décret de 1990, a fait l'objet de plusieurs projets émanant de la communauté urbaine de Lille ou de promoteurs privés. Ceux-ci n'ont jamais abouti en raison des exigences du propriétaire qui n'accepterait de céder la villa que s'il était autorisé à lotir le jardin. Comme vous le soulignez, la villa, qui n'est ni habitée, ni gardiennée, se dégrade d'année en année malgré les travaux de strict entretien réalisés par l'État et à ses frais. Si aucune possibilité d'accord sur des bases acceptables n'est trouvée, le ministère de la culture engagera les procédures coercitives prévues par la loi pour assurer la sauvegarde du patrimoine historique national.
Souhaitant avoir répondu à votre attente, je vous prie d'agréer, Monsieur le Président, l'expression de mes sentiments distingués.
L’Association de Sauvegarde de la Villa Cavrois n’a pas encore atteint son objectif : sauver l’œuvre architecturale de Robert Mallet Stevens qui trône dans le quartier de Beaumont à Croix. Cette étrange et étonnante habitation, aux allures de paquebot échoué, commandée par l'industriel Paul Cavrois, achevée en 1932, classée en décembre 1990 et ceinturée d'une clôture, continue en effet de subir les outrages du temps...
L'an dernier, le site a cependant connu un événement : la conciergerie, classée également, tout comme les abords de la maison, a été rénovée par des investisseurs privés (parmi lesquels figure l'actuel propriétaire). Cette opération, très spectaculaire, donne une idée de ce que pourrait devenir la villa, une fois celle-ci sortie de sa situation de blocage (voir encadré). Cela étant dit on ne pourra reprocher à l'association de ne rien faire. Avec ses moyens, elle entretient la flamme, interpelle les politiques, les autorités de la culture, sollicite les médias, l'opinion publique, le milieu des architectes...
Depuis 1991, année de sa création officielle, l'association est à son chevet, évitant ainsi à ce témoignage architectural reconnu de sombrer dans l'oubli « médiatique » ou « public »... Faisons un point rapide à quelques jours de son assemblée générale prévue le vendredi 27 mars...
Richard Klein, architecte à Lille, préside l'association depuis deux ans. Sa présence dans l'association n'a rien d’étonnant. Cette villa, il l’a connue lorsqu’il était à l’école d'architecture. Normal, c'est une référence dans ce domaine. Il se souvient aussi l'avoir visitée en 1986 lorsque la famille Cavrois la vendait ; il effectuait une mission pour le Centre d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE) qui dépend du Conseil général. A l'époque, raconte-t-il, le bâtiment et ses abords étaient encore en excellent état.
Pour M. Klein, c'est l'exposition de 1987, consacrée à Mallet Stevens, au Musée d'art moderne de Villeneuve-d'Ascq, qui a vraiment contribué à sensibiliser la métropole au cas de la villa croisienne.
L’association s’est créée, elle, au début de 1991, afin d’aider à sa sauvegarde, sa restauration et son ouverture au public...
Actions tout azimut
Sa prochaine assemblée générale permettra de taire le point et démontrera, une nouvelle fois, que l'association n'est pas un regroupement de nostalgiques menant un combat perdu. Elle regroupe en effet plus de cent personnes maintenant et ne reste pas inactive.
En un an, il s'est passé beaucoup de choses : trente-trois architectes de réputation internationale ont ainsi accepté de co-signer une texte interpellant publiquement le ministre de la Culture. Et parmi les signataires, certains ont adhéré, parfois même en apportant un soutien financier.
Autre action menée récemment : l'édition d'une plaquette (à 5 000 exemplaires) présentant la villa, son historique, sa situation actuelle ainsi que les objectifs de l'association. Ce document résume fort bien le problème. S'y ajoutent la parution d'informations dans 75 journaux, agences de presse, en France et à l'étranger, sans oublier la presse spécialisée (une imposante revue de presse en témoigne), la mise en place d'un site Internet, soutien de quelques rares élus (trop peu nombreux au goût de l'association), des rendez-vous avec les représentants de la culture, la création d'un système d'archivage des documents, sans oublier ces réunions chaque vendredi du mois à 20 h 30, à l’Office culturel de Croix, rue Jean-Jaurès.
Assemblée générale le vendredi 27 mars, à 20 h 30, à l'Office culturel, 68, rue Jean-Jaurès à Croix.
Coïncidence ?
La villa a servi d'illustration à l'affiche et aux invitations de l'opération « Mille monuments du XXe siècle » - un cycle d'exposition et de conférences - qui va se dérouler à partir du 27 mars aux Archives du monde du travail de Roubaix.
La plaquette éditée l'an dernier par l'association montre deux photos : une au temps de la splendeur, une prise après 1986, c'est-à-dire après la vente de la villa par la famille et son rachat, avec le terrain, par une société immobilière.
Classée monument historique depuis décembre 1990, la villa réalisée par Robert Mallet Stevens n'est pas, pour autant, tirée d'affaire. Loin de là administrativement protégés, les bâtiments, même s'ils sont à l'abri des vandales et squatters, continuent de subir les intempéries, ce qui évidemment alourdit un peu à la fois la future facture des travaux.
Juridiquement, et sans entrer dans le détail, précisons que le ministère de la Culture, s'appuyant sur une loi de 1913 protégeant les monuments historiques, a mis en demeure le propriétaire (la SARL Kennedy Roussel) de faire des travaux. En théorie, s'il refuse, l'État peut se substituer à lui et lui faire payer la moitié de la note. Du côté des autorités culturelles, on indique toutefois que cette mise en demeure adressée en mars a été « attaquée » dans le délai légal de deux mois, devant le tribunal administratif de Lille.
Voilà qui va retarder la solution de fort nombreux mois encore.
Le propriétaire, joint ces derniers jours, déclarait, lui, que tous ses projets immobiliers avaient été repoussés ces dernières années, qu'il n'avait jamais eu l'intention de tout casser et que l'État n'avait, pour sa part, aucune destination précise pour ce bâtiment. Bref, pour lui, avant de parler de travaux, il faudrait savoir ce qu'on veut faire de la maison.
Du côté de l'association de Sauvegarde, on explique que l'État n'aurait pas l'intention de se lancer seul dans un tel projet mais qu'en revanche il serait prêt à participer à un « montage financier ». A moins qu'un riche mécène...
Comme nous le rappelons ci-contre, l'an dernier, il s'est produit un événement notable : la rénovation de la conciergerie de la villa qui abrite maintenant les bureaux et les activités d'une société privée, « Les Cèdres Bleus ».
Ses responsables expliquent qu'ils ont dû, avec leur architecte, se plier aux exigences des monuments historiques (ce qui a engendré de gros surcoûts), que cette opération a contribué à « sécuriser » le secteur et, enfin, qu'elle a démontré qu'il était possible de faire quelque chose pour cette villa. Ils soulignent, un rien amusé, que la seule aide qu'ils ont reçue, c'est celle de la ville de Croix sous la forme d'une prime de ravalement de façade d'un montant de quelques milliers de francs... Ils se disent également prêts à travailler avec l'association de sauvegarde, dans la mesure, disent-ils, où les objectifs respectifs ne sont pas forcément antagonistes. La meilleure preuve étant pour eux, la rénovation de l'intérieur et de l'extérieur de la conciergerie...
Mais évidemment, le cas de la grande villa est loin d'être résolu pour autant.
B.K.
Nord Eclair du 16 septembre 1998
Villa Mallet Stevens : le propriétaire s'est fait entendre
Bien que classée monument historique depuis 1990, la célèbre villa art déco réalisée par Robert Mallet Stevens au début des années trente à Croix n'est toujours pas tirée d'affaire. La conciergerie a été, rappelons-le, rénovée par une société privée mais le sort de la grande maison jaune n’a pour l’instant pas été scellé. Dernier épisode en date : le propriétaire du « paquebot », la SARL Kennedy-Roussel, dont le gérant est Gilles Willot, a obtenu gain de cause devant le tribunal administratif face au ministère de la Culture. Il avait attaqué l'arrêté, qui, sur la base de la loi de 1913, lui enjoignait de faire des travaux de restauration (avec 50 % du coût pris en charge de l'État). Le tribunal a annulé l'arrêté estimant qu'il n'était pas suffisamment motivé. Cette décision remonte au mois de juin.
Commentaire de M. Willot : « Cela rappelle à tout le monde qu'il y a un propriétaire et qu'il peut être aussi constructif, pour preuve, la restauration de la maison du concierge... ». Il ajoute que le dialogue avec l'architecte des bâtiments de France et le directeur régional des affaires culturelles s'est, du coup, amélioré.
Le martyre de la Villa Cavrois, de Mallet-Stevens
Le Monde du 19 septembre 1998
1998 - L'architecture du XXe siècle
Le patrimoine protégé au titre des monuments historiques
Une exposition et une conférence
1998 - Une nouvelle pétition pour l'œuvre de Mallet-Stevens à Croix
Le Moniteur du 23 octobre 1998
L'Association de sauvegarde de la villa Cavrois lance une nouvelle campagne de sensibilisation à l'adresse des acteurs politiques nationaux et locaux, afin que soient rapidement prises des mesures pour enrayer sa dégradation.
Cette campagne s'adresse à Catherine Trautmann, ministre de la Culture, Michel Delebarre, président de la région Nord - Pas-de-Calais, Bernard Derosier, président du Conseil général du Nord, Pierre Mauroy, président de Lille Métropole-Communauté urbaine. Les personnes désirant participer à cette action sont invitées à envoyer leurs coordonnées au siège de l'association. Elles recevront en retour un jeu de six cartes postales, dont quatre à expédier aux personnalités politiques, en y joignant un mot à leur convenance.
Le sauvetage de l'édifice de Mallet-Stevens à Croix toujours d'actualité
Villa Cavrois : cent fois sur le métier...
L'association pour la sauvegarde de la villa Cavrois construite en 1931-1932 par l'architecte Rob Mallet-Stevens a tenu son assemblée générale vendredi soir à l’office culturel de Croix. Outre le renouvellement du bureau et la présentation du rapport financier, il était surtout question de la restauration cent fois annoncée, notamment depuis le classement de l'édifice en 1990.
Depuis sa dernière assemblée, l'association a développé la sensibilisation des professionnels ; trente-trois architectes de réputation internationale ont signé un appel au ministère de la Culture et apporté leur soutien, y compris financier.
Une plaquette, diffusée à 5 000 exemplaires, est jointe systématiquement à tous les envois émanant de l’association qui a également reçu le soutien de la presse y compris internationale.
Si le site internet n’a pas bénéficié d'un renouvellement faute de compétences pour le prendre en charge, les élus ont été interpellés et un rendez-vous auprès de François Barré, directeur de l'architecture et du patrimoine, a été honoré en février 1998.
La villa qui illustre d'ailleurs la carte d'invitation à l'exposition « Mille monuments du 20ème siècle en France » visible actuellement au Centre des archives du monde du travail à Roubaix.
L'association regrette cependant le manque de soutien des élus régionaux, l'existence et la manifestation d'une volonté politique régionale étant les conditions indispensables pour que l'État participe au redressement du monument.
Elle a donc adressé une lettre aux différentes listes présentes aux régionales.
Michel Delebarre regrette que rien n'ait été fait par la villa pour enrayer sa dégradation mais il est disposé à examiner son devenir en lien avec l'État dans le cadre du futur plan État-région.
Marie-Christine Blandin (*) est pour une contribution régionale même s'il s'agit d'une compétence de l'État et du département. Philippe Vasseur a assuré qu'il continuera à soutenir le dossier.
(*) Marie-Christine Blandin, née le 22 septembre 1952 à Roubaix (Nord), est une femme politique française. Membre des Verts puis d'Europe Écologie Les Verts jusqu'en 2014, elle est présidente du conseil régional du Nord-Pas-de-Calais de 1992 à 1998 et sénatrice de 2001 à 2017.
Pierre Mauroy l’a confirmé la CUDL
rachète la Villa Cavrois pour créer l'Apim
La Voix du Nord du 19 décembre 1998
La Voix du Nord en parlait dès mardi, Pierre Mauroy l’a confirmé officiellement hier soir : la communauté urbaine de Lille va racheter la villa Cavrois de Croix (près de Roubaix). C'est donc l’épilogue de l'imbroglio juridico-financier dans lequel s'était embourbé le « paquebot » bâti en 1932 par l’architecte Rob Mallet-Stevens et donné comme un fleuron de l'architecture moderniste de la première moitié du XXème siècle. « En préparation de Lille 2004 capitale culturelle, il eût été quelque peu paradoxal que nous laissions cette villa encore très belle livrée à elle-même », dira le président de la CUDL. « Cette situation se serait retournée contre nous. »
Concrètement, la communauté urbaine rachète le bâtiment actuellement propriété, de la SA Kennedy-Roussel, au prix des Domaines, soit quatre millions de francs, par un montage financier auquel participeront les villes de Croix, Lille et Roubaix, le conseil général et la CUDL. Ensuite qu’est-ce qu’on y mettra : sans doute pas une structure culturelle - « On a parfois des déconvenues » - mais plutôt un instrument de coordination de la vie économique genre « Apim transformée » (Agence pour la promotion internationale de la métropole) qui pourrait être ainsi une vitrine de la métropole. Et il faudra estimer la réhabilitation et la réaliser.
J.-M.
Il y a une chose dont nous avons vraiment marre, c'est de recevoir des lettres de l’association de sauvegarde de la Villa Cavrois construite par Robert Mallet-Stevens en 1932 à Croix, près de Roubaix. J’en ai des liasses reliées par un ruban noir.
Cette villa n'en finit pas de mourir. Encore impeccable en 1986, elle est vendue à un héritier des frères Willot, Gilles de son prénom. Elle est classée en 1990 puis immédiatement pillée par des antiquaires, squattée, crevée. Elle prend l'eau de toutes parts, aujourd'hui cernée de grillages et de chevaux de frise comme l'ambassade des États-Unis à Mogadiscio. Juste avant Noël, la communauté urbaine déclare la racheter pour 4 millions de francs, prix fixé par les Domaines. « Il eut été paradoxal que nous laissions cette villa encore très belle livrée à elle-même », explique Pierre Mauroy à cette occasion (il est vrai que sa ville prétend être capitale culturelle de l'Europe en 2004). En avril, on fait machine arrière ; on estime qu'elle ne vaut plus maintenant que le franc symbolique et on avoue qu'on ne sait trop qu'en faire (le coût de sa restauration est évalué à 20 ou peut-être 50 millions de francs). « Impuissance générale », titre la Voix du Nord.
L'association de sauvegarde de la villa Cavrois vient de nous faire parvenir une nouvelle lettre récapitulant quatorze années de langue de bois. Nous ne voulons plus recevoir de lettre de cette association. C'est trop triste.
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À gauche la surface initiale de la villa avec le potager, le massif aux fleurs coupés. À droite la surface restante. La villa Cavrois : derniers avatars Article paru en septembre 2003 dans la revue DOCOMOMO. Si, depuis deux ans, la dégradation et le vandalisme ne s'acharnent plus sur la demeure conçue par l'architecte Robert Mallet-Stevens à Croix, dans le Nord de la France, la villa Cavrois (1929-1932) alimente toujours une très dense chronique patrimoniale. Depuis l'annonce très médiatisée de l'achat de la villa Cavrois lors de journées du patrimoine en septembre 2000 puis, le changement de propriété́ effectif réalisé́ le 25 juillet 2001, l'État semblait faire cavalier seul pour gérer le devenir de la villa. Achetée pour un montant de 1,14 million d'euros, amputée d'une partie de son parc au profit d'un lotissement, la villa a été rapidement l'objet d'un soin préventif. Elle n'est plus ouverte à tous les vents, une couverture provisoire permet de la mettre au sec, un nettoyage a été réalisé́, un gardien occupe depuis quelque temps le logement du concierge. Une étude préalable, au moins pour ce qui concerne le gros œuvre, semble avoir été proposée par Michel Goutal, architecte en chef des monuments historiques, et le ministre de la culture lui-même, interrogé dans la presse locale (La Voix du Nord du 7 juin 2003), assure que des travaux doivent être financés en 2003 à hauteur de 2 millions d'euros. Nantie d'un courrier du Directeur de Cabinet du Ministre, en date du 4 décembre 2002, l'association de Sauvegarde de la villa Cavrois lançait une annonce dans la presse locale pour honorer le premier avril et alerter de nouveau le public sur la situation de l'édifice classé Monuments Historiques en 1990. Le 1er avril 2002, le journal Nord Éclair titrait alors « Villa à vendre » et faisait figurer le photomontage provocateur d'un panneau devant la villa. Ceux qui croyaient à une plaisanterie sans fondement en furent pour leurs frais. Le ministre de la culture avait réellement demandé au Directeur Régional des Affaires Culturelles du Nord-Pas-de- Calais, d'engager un dialogue avec les collectivités concernées et, à défaut, avec des partenaires privés afin de trouver un repreneur du bâtiment. 1er avril 2002 " Villa à vendre ! " Il reste à espérer que le vent de la décentralisation qui semble donc maintenant souffler en direction de ce patrimoine permette de motiver les collectivités locales mises à l'abri de la gestion du dossier depuis trois années. Le projet culturel reste malheureusement totalement flou et la région lilloise, promue au rang de capitale européenne de la culture, aura quelques difficultés à brandir la villa Cavrois à son actif culturel en 2004. La vente publique de certains meubles provenant de la villa vient ajouter une touche d'actualité́ à ce long processus administratif. Cette mise en vente aux enchères publiques par la maison de vente Camard s'est tenue le 17 juin 2003, dans le cadre très chic de l'hôtel d'Évreux, place Vendôme à Paris. Les prix du mobilier de Mallet-Stevens - une vingtaine de lots - et particulièrement celui issu de la villa Cavrois se sont envolés : des enchères très disputées, à un niveau de prix très élevé́. Mentionnons les plus prix les plus significatifs : 90 000 euros une paire de chenets en métal (lot n° 109) ; une petite applique en métal (porte manteaux à trois patères, lot n° 118) 36 000 euros ; une table et six chaises provenant de la salle à manger des enfants de la villa Cavrois (lot n° 115) 130 000 euros. Le mobilier en sycomore et métal issu du boudoir de Madame Cavrois est au sommet, avec des chiffres extravagants : la coiffeuse atteint 330 000 euros, la travailleuse 220 000 euros. Une bibliothèque en plaquage de sycomore (lot n° 134), un des meubles remaniés par Pierre Barbe après la seconde guerre mondiale, atteint pour sa part 65 000 euros. Aucune préemption n'a été prononcée. Le catalogue de la vente à Paris en juin 2003 Voir un complément sur les 2 ventes en 2003 Dans le catalogue, la documentation précisait l'origine de ce mobilier, par des photos anciennes montrant les meubles en situation dans la villa Cavrois ; la villa a manifestement sa place dans le processus de valorisation. Pour ce mobilier, la mention de sa relation à la villa Cavrois contribue, à distance et dans la durée, à la fixation des prix et d'abord parce qu'elle est une garantie d'authenticité́. Comment a-t-on pu mépriser à ce point, depuis vingt ans, cet instrument à faire des prix ?
La brochure de la DRAC éditée à l'occasion des Journées Européennes du Patrimoine en 2003 La Voix du Nord du jeudi 2 octobre 2003 |
L’entreprise SRMH a débuté la restauration à partir de 2004 en groupement avec l’entreprise Rabot Dutilleul.
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La salle à manger des parents le 2 mai 2005 |
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Juste à côté de la pergola, la salle de jeux des enfants le 23 février 2006 |