La mort douce du péril jaune
La Villa Cavrois, dernière commande privée de l'architecte Robert Mallet-Stevens conçue en 1932, aboutissement de trente années de recherche pour un esprit nouveau, est en passe de devenir une ruine, même si les campagnes de sensibilisation mobilisent de nombreux amateurs pour sa survie.
La situation de cette demeure reste entourée de flou depuis 1986, date du décès de Mme Paul Cavrois et, année après année, la villa subit les méfaits du temps, victime d'incertitudes et d'imbroglios quant à sa destination définitive.
De sa sauvegarde et des solutions éventuelles pour son rachat, il en est question depuis au moins une décennie et les férus d'architecture et autres défenseurs du patrimoine local s'inspirent de l'exemple de la restauration réussie de la villa Noailles, à Hyères, à l'aide de partenariats publics et privés.
« L'esprit nouveau
C’est en 1929 que Paul Cavrois, industriel roubaisien, passe commande d'une villa pour sa famille, au cœur de la campagne de Croix, et contacte l'architecte Mallet-Stevens, surtout connu à l'époque par ses fantastiques décors de cinéma et la villa qu'il a construite à Hyères pour Charles de Noailles.
La demeure, conçue pour une famille nombreuse vivant en 1934, s'étire d'est en ouest sur 60 m de long pour 2 400 m2 de plancher et se décompose en volumes couverts de mini-terrasses. Une piscine occupe la partie sud de l'imposant édifice construit dans un parc de 2 hectares. Ses murs en briques jaunes et sa conception avant-gardiste lui ont valu bien des surnoms (« le bateau Cavrois », « le péril jaune »...).
Confort et fonctionnalité, recherche d'esthétique, maîtrise des volumes caractérisent l'ensemble, parfait symbole de « l'esprit nouveau », mouvement dont Mallet-Stevens se réclamera. La famille Cavrois occupera les lieux jusqu'en 1986 ; dès 1987, la villa est vendue à une société civile immobilière, puis sauvée in extremis d'un programme immobilier en étant classée d'office monument historique.
Musée, centre de création, espace d'expositions... Les idées ne manquent pas pour la transformation et la sauvegarde de la maison mais aucun projet ne tient la route, les investisseurs potentiels s'effrayant devant la dégradation avancée de l'édifice.
Appel au partenariat privé
Lille, mardi dernier, le club « Communication et Futur » organisait un débat sur l'avenir de cette demeure croisienne des années trente connue internationalement.
Plus de 100 personnes ont répondu à l'appel, toutes professions confondues - habitants, architectes,membres de l'association - et M.M. Jacques Donnay, président du conseil Général du Nord, Debeune, maire de Croix, Poncelet, architecte en chef des Monuments historiques - entre autres personnalités - ont tenu, par leur présence, à manifester leur intérêt pour la sauvegarde de la Villa.
M.J. Donnay a tenu à souligner son intérêt pour la question ajoutant que le Conseil Général s'associerait sans aucun doute à une action collective des instances concernées auxquelles pourrait s'adjoindre àun partenariat privé.
La Villa Noailles, à Hyères, haut-lieu de l'avant-garde moderniste, aura été sauvée grâce au financement du Ministère de la Culture, de la Région et du Conseil Général du Var pour une première tranche de travaux. La deuxième phase, quant à elle, devrait être entreprise dans un proche avenir grâce au mécénat privé. Un exemple a suivre mais, en attendant, le « bateau Cavrois », tanguant sur une mer démontée, a déjà pris l'eau !
M.E.B.