Trente ans de travail désavoué


Croix : les Amis de la Villa Cavrois déclarés persona non grata… à la Villa Cavrois !

 

Le Centre des monuments nationaux (CMN) n’a pas renouvelé la convention qui le liait à l’association des Amis de la Villa Cavrois, l’excluant de fait du monument. L’élection récente à la tête de l’association de Paul-Hervé Parsy, ancien administrateur et cheville ouvrière de la renaissance de la villa, n’est peut-être pas étrangère à cette décision.

 

La Voix du Nord - Gilles Marchal | Publié le 28/01/2021



Avant la crise sanitaire, la Villa Cavrois accueillait plus de 100 000 visiteurs par an. L’accès y est interdit depuis le 30 octobre. - VDN

 

Que se passe-t-il derrière les murs jaunes de la Villa Cavrois ? Pas grand-chose à vrai dire puisque le chef-d’œuvre de Robert Mallet-Stevens n’accueille plus de visiteurs depuis le 30 octobre. En revanche, dans les bureaux du Centre des Monuments Nationaux à Paris, il se trame quelque chose d’étrange. Le 18 décembre, le CMN a fait savoir aux Amis de la Villa Cavrois que la convention qui les liait n’était pas reconduite en 2021.

 

« On ne voit pas ce qu’on peut nous reprocher, on n’a rien détruit, on n’a rien fait de mal. »

 

Concrètement, cela signifie que les 400 membres de l’association ne bénéficient plus de l’entrée gratuite à la villa. Mais ce n’est pas là que le bât blesse, nous dit Jacques Desbarbieux, vice-président des Amis de la Villa et seul responsable habilité à parler au nom de l’association. Selon lui, le CMN n’aurait formulé aucun grief ni apporté aucune justification pour expliquer cette « expulsion » : « On est dans l’incompréhension, vraiment dans l’incompréhension. On nie notre existence, alors que notre objectif est de valoriser la villa, de la faire connaître. On ne voit pas ce qu’on peut nous reprocher, on n’a rien détruit, on n’a rien fait de mal. »

 

« Une divergence d’appréciation »

 

Interrogé sur cette situation, le CMN a produit pour toute réponse un communiqué laconique : « Une divergence d’appréciation est apparue avec l’association sur un sujet particulier. Le CMN est actuellement en contact avec l’association pour le régler. » On n’en saura pas plus de la part de l’administratrice de la villa, Carine Guimbard, qui n’a pas donné suite à nos appels.



Paul Hervé Parsy a été l’administrateur de la Villa Cavrois jusqu’en 2016. Aujourd’hui retraité, il a été élu à la tête de l’association des Amis de la Villa en septembre 2020. Photo archives Pierre Le Masson - VDNPQR

 

La « divergence » évoquée par le CMN aurait-elle un rapport avec l’élection, en septembre 2020, de Paul-Hervé Parsy à la tête des Amis de la villa ? Les calendriers coïncident et l’on sait qu’en octobre le président du CMN, Philippe Belaval, a adressé à l’ancien administrateur un courrier recommandé pour « clarifier la situation ». Mais ni les Amis ni le CMN ne veulent commenter cette correspondance.

 

Toujours est-il que les 21 membres de conseil d’administration de l’association ont renouvelé leur entière confiance en Paul-Hervé Parsy il y a quelques jours lors d’une réunion. Tous espèrent que le CMN reviendra sur sa décision, sans quoi ils devront poursuivre leur mission de promotion de la Villa Cavrois… sans y être les bienvenus. Une situation inédite et inconfortable.


Trente ans de travail désavoué


Pour les Amis de la Villa Cavrois, la pilule est d’autant plus difficile à avaler que l’association, créée en 2015, émane directement de l’Association de Sauvegarde fondée, elle, en 1990 et qui a largement contribué à sauver de la destruction cette maison grandiose. « Sans le travail de l’association de Sauvegarde, la Villa Cavrois n’existerait plus. Et aujourd’hui on nous met dehors », proteste Jacques Desbarbieux.



Le vice-président met aussi en avant les contributions récentes des Amis : l’achat et la mise à disposition de mobilier, des recherches iconographiques, l’organisation de conférences et d’expositions. « On avait encore envie d’aider mais si on devient persona non grata, on va réfléchir. S’il y a quelqu’un de perdant dans cette histoire, c’est plutôt le CMN, nous, on en a vu d’autres. » L’association n’a pas dit son dernier mot et Jacques Desbarbieux sait que le temps joue en sa faveur : « Le but est que ça s’arrange. Mais vous savez, les hommes passent et les pierres restent... »


La version numérique de cet article est parue le jeudi 28 janvier 2021 et la version imprimée dans la Voix du Nord du samedi 30 janvier 2021 (édition de Roubaix).