Le musée de l'Ecole d'Art de Nancy

Le musée de l’École de Nancy est l’un des rares musées français dédié à un mouvement artistique : l’Art nouveau nancéien. Au cœur du quartier Nancy Thermal, le musée se situe dans l'ancienne propriété d’un important collectionneur de l'École de Nancy, Eugène Corbin.


L'entrée du musée dans l'ancienne propriété d'Eugène Corbin

Sous l’impulsion de nombreux artistes, l’École de Nancy connaît un développement exceptionnel. Grand mécène de l’École de Nancy, Eugène Corbin fait don de sa collection à la Ville de Nancy qui acquière sa propriété pour l’aménager en musée en 1964. Le musée de l’École de Nancy est donc installé dans un cadre architectural contemporain des œuvres qu’il présente. À l’intérieur de la maison, les meubles, les objets d’art, les verreries, les céramiques, témoignent de la diversité des techniques employées par les artistes de l’École de Nancy. Par leur mise en situation, ils restituent l’ambiance des intérieurs de cette époque.

 

Dans l’atmosphère d’une maison particulière de la Belle Époque, le musée présente son exceptionnelle collection d’art décoratif due aux artistes nancéiens Gallé, Majorelle, Prouvé, Vallin, Daum ou encore Gruber. Avec pour inspiration principale la nature, tous ont participé à la naissance d’une école de renommée internationale qui s’inscrit dans le mouvement « Art nouveau ».


La table " Le Rhin "



Table " Le Rhin ", Émile Gallé, Victor Prouvé et Louis Hestaux (1889)

 

Créée en 1889, Émile Gallé a fait appel à deux collaborateurs, Louis Hestaux et Victor Prouvé, pour dessiner le plateau de marqueterie. Bien plus qu’un meuble, c’est un véritable programme narratif et symbolique qu’Émile Gallé expose.

 

On aperçoit alors deux groupes d’hommes armés, à cheval et en mouvement, se faisant face. Ces deux armés évoquent les Gaulois et les Germains, les Français et les Allemands, et le fleuve (le Rhin) représente la frontière ancienne et naturelle des deux pays, et non la nouvelle imposée par l’annexion allemande en 1870.



Marqueterie de la table " Le Rhin "


Croix de Lorraine, aigles couronnés et chardons sont sculptés dans les pieds de la table " Le Rhin ".





Le piano à queue " La mort du cygne "


Le piano à queue " La mort du cygne " (1905) de Louis Majorelle

 

Pour Louis Majorelle, comme pour bons nombre d’artistes, l’Exposition universelle de 1900 fut la confirmation d’une reconnaissance nationale mais aussi internationale. Seulement cinq exemplaires de ce piano sont connus.

 

Victor Prouvé est l’auteur des dessins des marqueteries. C’est une tradition chez les Majorelle d’associer les amis peintres aux pièces de prestiges comme celle-ci.




La banquette " Le mineur "


 

Un mineur est au centre d’un meuble imposant, nu et courbé, un corps athlétique idéalisé, une lampe devant lui. L’idée paraît aujourd’hui étrange : utiliser une telle image pour un meuble de salon de billard. Il faut dire que son propriétaire, négociant, a bâti toute fortune sur le charbon, cet or noir qui a coûté tant de vies.



Un étrange bas-relief, donc, pour un ensemble tout aussi étonnant dans son dessin et par l’association de ses fonctions : au centre, une banquette à l’assise très étroite pouvait accueillir une courte pause et quelques queues et boules de billard dans son coffre ; à gauche un petit bureau et une bibliothèque ornée des vitraux de Jacques Gruber invitaient peut-être à prendre quelques notes ; à droite, un cache-radiateur, surmonté d’une armoire encadrée de sellettes, permettaient tantôt de cacher système de chauffage, linges ou objets, tantôt d’exposer quelques bibelots, sculptures ou vases chers au commanditaire. L’unité est assurée par l’ombellifère qui dynamise et orne l’ensemble.


 

Le salon de billard de Monsieur Kronberg était certes bien loin des réalités ouvrières, mais l’hommage rendu par Auguste Vallin à la main-d’œuvre qui fit la fortune du négociant, permet malgré tout, de ne pas les oublier.



La salle à manger de Charles Masson 
conçue par Eugène Vallin et Victor Prouvé


Eugène Vallin réalise le mobilier ainsi que tout le décor d'ébénisterie

Cette salle à manger exceptionnelle a été imaginée par Eugène Vallin avec le concours de Victor Prouvé. Créée au départ pour l’une des maisons nancéiennes de Charles Masson, beau-frère d’Eugène Corbin, elle a été offerte à la Ville de Nancy en 1938. Les dimensions de cette pièce étant différentes de celles d’origine, l'ensemble a dû être légèrement modifié lors de son installation dans le musée en 1961.



La salle à manger est démontée pendant la Première guerre mondiale pour être installée à Paris, avenue Foch, dans le nouvel appartement de Charles Masson. Cet ensemble n'est installé qu'après 1961 dans l'ancienne salle à manger de la maison.


L’harmonie des formes et des couleurs employés ici constitue un véritable hymne au bois et apporte une grande unité à cet ensemble ambitieux. Eugène Vallin a choisi de réinterpréter la salle à manger bourgeoise traditionnelle selon les canons de l’École de Nancy. 


Au centre de la pièce, le monumental lustre en verre et laiton poli réparti sa lumière sur trois niveaux, créant ainsi une ambiance chaleureuse. Aux angles de la pièce, Eugène Vallin lui a également adjoint six bouquets d’appliques à trois tulipes. La partie supérieure du lustre éclaire le remarquable plafond composé de quatre panneaux en toile marouflée, qui a du être retaillé pour cette présentation dans un espace plus réduit. 



Victor Prouvé intervient des 1903 pour les maquettes du bûcheron de la cheminée et la vendangeuse du buffet. En 1905 il donne les panneaux de cuirs à décor de roses qui recouvrent les murs. En 1906 il peint les panneaux de toile marouflée du plafond sur le thème des cinq sens.


Ces panneaux allégoriques ont été peints par Victor Prouvé. Évoquant les cinq sens au travers de figures féminines, ils complètent les décors sur le thème de la nourriture et de la boisson développés sur les chaises et sur le buffet. Sur la cheminée, un bûcheron rappelle quant à lui, le bois qui est mis dans l’âtre, mais aussi le matériau constituant cette salle à manger. 


Le buffet exposé sur la gauche et les deux tables guéridons présentées au fond de la pièce également signés d'Eugène Vallin proviennent d’autres ensembles.



Ensemble commandé par Charles Masson, beau-frère de J.-B. Eugene Corbin, pour l’appartement de la rue Mazagran à Nancy.


La coupe " Rose " d'Émile Gallé


Coupe Rose de France, Émile Gallé (1901)

 

Réalisée en deux exemplaires (le second exemplaire est conservé au musée Kitazawa), cette pièce a été offerte par la Société centrale d’horticulture de Nancy dont Émile Gallé était membre à son président, Léon Simon, en 1901. L’un des plus beaux exemples de vase de l’École de Nancy.


La main aux algues et coquillages


Émile Gallé, La Main aux algues et aux coquillages (1904)


Les interrogations suscitées par cette main sont liées à la situation personnelle d'Émile Gallé : il sait en cet été 1904 que l’engloutissement final est imminent. Croyant, Émile Gallé matérialise son adieu. D’où le caractère ambigu de l’objet imprégné de la dualité vie-mort.



" Hommes noirs d'où sortez vous ? "


La signification du vase " Hommes noirs d'où sortez-vous " est immédiate, non pas seulement par l'emprunt, alors pour tous évident, fait au pamphlet de Béranger, mais en raison de ses tonalités évocatrices des ténèbres. En cela, il s'inscrit dans la descendance de deux pièces antérieures d'une dizaine d'années, particulièrement remarquées pour leur coloration sombre. Sur la première, présentée à l'Exposition Universelle de 1889, un crapaud tapi dans l'ombre s'apprête à happer une libellule ; le second modèle montre un pélican aux prises avec un ptérodactyle. Le contraste entre la laideur repoussante des uns et la grâce aérienne des autres se veut symbole de la lutte des forces du bien et du mal. Lutte tout à fait apte à évoquer un combat politique contemporain, puisque l'un des exemplaires du vase au pélican fut en décembre 1890 dédicacé par Émile Gallé à l'un des champions de l'émancipation irlandaise, William O'Brien. Les hommes noirs constituent à leur tour un bel exemple du rôle primordial des effets de matière dans le pouvoir de suggestion d'une œuvre. Dès janvier 1889, Émile Gallé s'était adressé à Victor Prouvé, déjà sollicité en 1888 pour l'élaboration des œuvres emblématiques faisant appel à la figure humaine.



Vase Primevères " Il faut qu'avant l'aube " (circa 1889-1895)
Inscription sur la pièce : Il faut qu'avant l'aube / je suspende une perle / à l'oreille de chaque primevère / Skakespaere
Verre doublé, gravé, inclusions intercalaires, bulles, application d'une pastille.

Les autres verreries d'Émile Gallé (1846-1904)


Vase Canthare Prouvé





Vase " Espoir " d'Emile Gallé (1889)

Modèle présenté à l'exposition universelle de Paris de 1889. (Art Mamelouk) 

Inscription sur la pièce : Espoir / Et ma lumière / Elle luit au fond des maux. Verre gravé à l'acide et à la roue, décor émaillé et doré

“Immense veilleuse comme voilée d’une gaze de soie noire, brodée de caractère franco-arabes en émail bleu translucide et or mat”, ainsi qu’Emile Gallé (1846-1904) le décrit dans sa notice de présentation pour l’Exposition universelle de 1889.

 

Ce vase associe l’évocation de la verrerie islamique et la volonté d’utiliser l’art comme support pour les idées et les engagements. Emile Gallé manifeste un grand intérêt pour l’écriture cursive arabe et ses qualités graphiques.



Au centre vase " Orchidée "



Vase Tétards (1900), à gauche et Broc Les Pins, à droite


Vase " Ancolies " (1902)
Inscription en relief Emile André / Jeanne Bournique / en souvenir de nos fiançailles / juin 1902





Vase " La nuit japonaise " d'Emile Gallé (1900)


Vase Moonwort (1894) avec son coffret




Le lit " Aube et crépuscule "


Lit « Aube et crépuscule » d’Émile Gallé

 

Aube et crépuscule est une expression poétique du rythme cosmique nuit et jour, clarté et obscurité. Le ciel étoilé que dévoilent les ailes immenses du papillon nocturne constitue une remarquable démonstration de l’usage des colorations et textures des essences ligneuses.

 


Au pied du lit, l’aube est symbolisée par un œuf en verre et la naissance de la vie par un accouplement de papillons.

Les vitraux


Vitrail " Luffas et Nymphéas " de Jacques Gruber

Ce vitrail provient d’un immeuble construit par l’architecte Georges Biet (1869-1955) à Nancy, au n° 16 rue Émile Gallé, en 1907. Jacques Gruber a réalisé tous les vitraux de cette maison bourgeoise. Ce vitrail était placé à l’une des trois fenêtres de la salle à manger. Sur un fond de paysage de montagne et de lac, peut être vosgien, des luffas majestueux (une plante proche des coloquintes) descendent de chaque côté de la fenêtre jusqu’aux nymphéas reposant sur l’eau.




Vitrail " La lecture " d'Henri Bergé. 
Ce vitrail qui provient d'une maison de la rue Gambetta à Maxéville, a été mis en scène dans une nouvelle disposition avec cette jardinière.








Luminaires







Les autres œuvres

Si parmi les œuvres exposées figurent de nombreux chefs d’œuvre, tels le lit " Aube et crépuscule ",  plusieurs vases d’Émile Gallé comme " Les Mains aux algues ", le piano " La mort du cygne " de Louis Majorelle ou la salle à manger Masson d'Eugène Vallin, mais également des reliures ou vitraux témoignant de la diversité des domaines explorés par ces artistes, le musée présente des objets édités en série qui illustrent le désir de concevoir un « art pour tous », adapté à la vie contemporaine et plus accessible.