Les arbres cubistes

À l’ouverture de l’Exposition Internationale de 1925, se dresse au milieu de l’Esplanade des Invalides un curieux jardin composé d’un parterre de haies impeccablement taillées que quatre arbres dominent. 

S’élevant sur près de cinq mètres, ces arbres sont recouverts d’étranges et larges feuilles de béton accrochées à un tronc géométrisé. 

Le visiteur en ressort parfois amusé, de temps à autre hostile, le plus souvent perplexe. Les caricaturistes de l’époque s’en donnent à cœur joie et représentent des apprentis jardiniers arrosant cette végétation artificielle. Certains critiques, comme Charensol remarquent l’originalité de l’œuvre, tout en pestant contre ces « quatre palmiers lourdement stylisés ». 

Les « palmiers » des frères Martel apportent pourtant une élégante réponse aux défis lancés par l’Exposition de 1925 qui souhaite susciter une plus étroite collaboration entre industriels et artistes tout en mettant fin à l’apathie créative qui régnait. Afin de susciter cette renaissance, les installations de l’exposition sont souvent confiées à des artistes novateurs comme Le Corbusier ou Mallet Stevens. Ce dernier confiera aux frères Martel le soin d’agrémenter ce jardin qu’il va dessiner sur l’esplanade des Invalides. La construction des pièces commandées aux frères Martel est financée par les Ciments français et exécutée par la société Auger et Bonnet afin de démontrer les capacités techniques du ciment armé. 

Avec un brin d’humour et de provocation, les frères Martel réduisent un arbre à une simple abstraction géométrique qu’ils déclinent en quatre variantes où les feuilles sont fixées de manière subtilement différente d’une pièce à une autre. Véritable prouesse technique, les arbres faillirent ne jamais exister tant il fut difficile de fixer en porte-à-faux des plaques de ciments si fines en biais ou parallèlement à un tronc formé d’arêtes vives. Le résultat n’en demeure pas moins fascinant et les Arbres Cubistes des frères Martel deviendront l’une des installations les plus caractéristiques et mémorables de l’exposition de 1925. 


Maquette de L'Arbre cubiste du jardin Mallet-Stevens pour l'Exposition Internationale des Arts Décoratifs et Industriels Modernes, 1925 - Okoumé peint - 82 x 38 x 36,5 cm. Portant une étiquette de l'exposition Robert Mallet-Stevens et une inscription manuscrite de l'exposition Joël et Jan Martel : sculpteurs 1896-1966 au revers.

La maquette présentée ci-dessus, qui a été vendue chez Christies le 19 novembre 2019 pour un montant de 168 750 €, est l’une des trois connues encore existante : la première fait partie des collections permanentes du Metropolitan Museum de New York et provient aussi de la famille Martel, la deuxième a été vendue chez Christie’s à New York, le 12 juin 2014. L’œuvre originale étant disparue, ces maquettes constituent le seul vestige d’un ensemble qui a marqué son temps et contribué au renouveau des Arts Décoratifs.