La galaxie Mallet-Stevens


Robert Mallet-Stevens a travaillé avec de nombreux artistes, comme André Salomon, Jacques Le Chevallier, Jean Prouvé, les frères Jan et Joël Martel, Louis Barillet, Fernand Léger, Sonia Delaunay, Charlotte Perriand, etc.


Le hall de l'Ambassade française à l'Exposition des Arts décoratifs à Paris en 1925, conçu par Robert Mallet-Stevens. Le tableau de Fernand Léger devra être décroché provoquant un scandale !

Ces relations seront souvent amicales et la collaboration n'en sera que plus significative. Au sein de ce parcours, l'Union des Artistes Modernes (UAM) occupe une place essentielle, mais ce n'est pas la seule.


Modèles de Sonia Delaunay devant les arbres cubiques de Robert Mallet-Stevens réalisé par les sculpteurs Jan et Joël Martel devant le pavillon des industries textiles à l'Exposition des Arts décoratifs de Paris en 1925

L’Union des Artistes Modernes (UAM)

L'UAM a été fondée après une négociation manquée pour l'organisation du Salon des artistes décorateurs de 1929 : les futurs membres, pour la plupart proches de l'architecture et unis depuis 1925, trouvent l'espace qui leur est accordé inadapté et insuffisant et décident de s'émanciper de la Société des artistes décorateurs en organisant une structure et des évènements indépendants.

Ils fondent un Comité directeur avec Hélène Henry, René Herbst, Francis Jourdain, Robert Mallet-Stevens (président) et Raymond Templier (secrétaire). Parmi les membres fondateurs de ce projet se trouvent les Frères Jean et Joël Martel, Charlotte Perriand et Gustave Miklos.

Les membres de ce mouvement s'émancipent des notions décoratives pour se concentrer sur la fonction, la structure et exploiter les nouveaux matériaux et les nouvelles techniques afin de les adapter à une vision moderne et revalorisée des arts décoratifs.

Après la Libération de la France et la mort de Robert Mallet-Stevens en 1945, l'UAM ne retrouve pas son activité initiale et perd sens alors que ses membres sont autorisés à participer au Salon des artistes décorateurs. La priorité est alors la Reconstruction.




Liste des membres de l’UAM (par ordre alphabétique)

Rose Adler (1890-1959), Charlotte Alix (1897-1987),
Pierre Barbe, Louis Barillet (1880-1948), Georges Bastard (1881-1939), Francis Bernard, André Bloc (1896-1966), Jean Burkhalter (1895-1982),
Jean Carlu (1900-1997), A.-M. Cassandre (1901-1968), Philippe Charbonneaux (1917-1998)), Pierre Chareau (1883-1950), Paul Colin (1892-1985), Étienne Cournault (1891-1948), Joseph Csaky (1888),
Jean Dourgnon (1901-1985),
Marcel Gascoin (1907-1986), Adrienne Gorska (1899-1969), Eileen Gray (1878-1976), Pierre Guariche (1926-1995), Gabriel Guevrekian (1892-1970),
Hélène Henry, René Herbst (1891-1982), Lucie Holt-Le-Son,
Charles-Edouard Jeanneret (Le Corbusier) (1887-1965), Pierre Jeanneret (1896-1967), Francis Jourdain (1876-1958), Frantz-Philippe Jourdain,
Robert Lallemant, Alfred Latour (1888-1964), Jean Lambert-Rucki (1888-1967), Jacques Le Chevallier (1896-1987), Robert Le Ricolais (1894-1977), Claude Lemeunier, Charles Loupot (1892-1962), André Lurçat (1894-1970),
Robert Mallet-Stevens (1886-1945), Jan Martel (1896-1966), Joel Martel (1896-1966), Mathieu Matégot (1910-2001), Gustave Miklos (1888-1967), Jean-Charles Moreux (1889-1956),
Charles Peignot (1897-1983), Charlotte Perriand (1903-1999), Georges-Henri Pingusson (1894-1978), Claude Prouvé (1929-2012), Jean Prouvé (1901-1984), Jean Puiforcat (1897-1945),
Carlo Rim (1905-1989),
André Salomon (1881-1969), Gérard Sandoz (1914-1988), Louis Sognot (1892-1969),
Roger Tallon (1929-2011), Raymond Templier (1891-1968),
Maximilien Vox (1894-1974).


Mallet-Stevens et le cinéma

Robert-Mallet Stevens débute principalement sa carrière comme décorateur de cinéma. Il y aura des contacts lors de la réalisation de films avec des réalisateurs comme Marcel L'Herbier.






La réalisation de la rue Mallet-Stevens à Paris

Dans cette rue, du 16e arrondissement de Paris, se retrouveront de nombreux artistes amis de Robert Mallet-Stevens. L'exemple le plus démonstratif sera la construction de l'atelier des sculpteurs Jan et Joël Martel, à deux pas de l'agence d'architecture de Mallet-Stevens.


Jan et Joël Martel (1896-1966)

Voir le site consacré aux frères Martel


En 1926-1927, Robert Mallet-Stevens construit un hôtel particulier pour les deux frères au n° 10 rue Mallet-Stevens à Paris dans le 16e arrondissement, dont la porte d'entrée principale est conçue par Jean Prouvé. C'est dans cette Villa-atelier qu'ils travailleront toute leur vie. Cet espace élégant, baigné de clarté a présidé à la création d'une œuvre lumineuse où l'idée simple prend corps dans une image vivante et rythmée en totale adéquation avec l'esprit de géométrisation d'une époque artistique foisonnante, libre, joyeuse et novatrice.


André Salomon (1881-1969)


André Salomon est né en 1891. Il est l'un des pionniers français de l'éclairage. Il obtient un diplôme de l'Ecole supérieure d'Electricité et est embauché chez Thompson-Houston. Il créé sa propre société Perfécla, en 1927, société qui œuvre pour le perfectionnement de l'éclairage. La création de cette société s'est faite grâce au soutien de ses amis et de sa famille, et lui a permis de concrétiser ses idées entre l'architecture et l'éclairage. En 1930, il devient membre de l'UAM (Union des Artistes Modernes).

Quelques années plus tard, il revend les actions de sa société et en garde une partie, ainsi il conserve le droit d'exploitation, mais en 1941 avec l'application des lois antisémites, la direction de l'entreprise le congédie. Son licenciement le conduit à diriger l'école professionnelle de Périgueux de 1942 à 1944. En début d'année 1945, il revient en région parisienne en tant qu'ingénieur-conseil en fondant son cabinet dont les principaux clients sont les membres de l'UAM.



André Salomon a réalisé les éclairages indirects de la Villa Cavrois comme celui du plafond de la salle à manger des parents qui peut être modulé

De 1947 à 1960, il travaillera sur l'éclairage rationnel des espaces et abandonne totalement l'éclairage architectural. En participant à des collectifs tels que l'Atelier des Bâtisseurs et Formes Utiles, il développe une large collection de luminaires notamment de lampes portatives sur lesquelles il dépose plusieurs brevets. La fin de sa carrière est marquée par les portatifs et l'éclairage dans les hôpitaux pour l'amélioration du confort visuel des malades. Tout au long de sa vie professionnelle et artistique, il s'est entouré de Robert Mallet-Stevens, René Herbst et Pierre Charreau avec qui il collaborera sur la célèbre Maison de verre.


Jean Prouvé (1901-1984)


Jean Prouvé, né le 8 avril 1901 à Paris (14e arrondissement) est mort le 23 mars 1984 à Nancy. Architecte et designer français, Jean Prouvé est le fils du peintre et sculpteur Victor Prouvé. En 1916, il est contraint d'abandonner ses études à la suite de difficultés financières de la famille. Il entre en apprentissage chez le ferronnier Émile Robert à Enghien, puis en 1919 chez Szabo. Son correspondant à Paris est André Fontaine, intellectuel progressiste qui marquera le jeune Prouvé comme l'ont marqué les artistes de l'École de Nancy : ne jamais copier. Après son service militaire, il monte en 1924 un atelier à Nancy, avec un prêt de Saint-Just Péquart, un intime de la famille, et conçoit dès cette première année sa « Chaise inclinable » en tôle d'acier pliée laquée et toile. Ses premières réalisations sont des ferronneries pour des édifices privés : hôtel Thiers de Nancy, devantures de magasins parisiens. 

En 1926, il reçoit sa première commande d'un architecte : la grille d'entrée de la Villa Reifenberg à Paris par Robert Mallet-Stevens, lequel le sollicite à nouveau en 1928 pour réaliser à la Villa Noailles les ferronneries escamotables de la chambre en plein air aménagée sur la terrasse. Puis pour l'ascenseur de la Villa Cavrois (1929-1932).



A gauche, photo de la cabine d'ascenseur de Jean Prouvé, en 1986, au décès de madame Lucie Cavrois-Vanoutryve © Kandinsky et à droite, en 2016, après restauration, et mise aux normes handicapés (PMR).



Louis Barillet (1880-1948)


Après des études de peinture à l'École des Beaux-Arts de Paris dans l'atelier du peintre Jean-Léon Gérôme, Louis Barillet commence sa carrière comme médailleur tout en pratiquant la peinture, avant d’ouvrir, en 1919, son atelier de maître verrier au n° 15 square Vergennes à Paris. Il travaille avec Jacques Le Chevallier, puis Théodore-Gérard Hanssen. Pendant les années 1920 à 1930, ils participent au renouveau du vitrail français.

Il expose à l'Union des Artistes Modernes, mouvement d'artistes décorateurs et d'architectes fondé en France en 1929 par l'architecte Robert Mallet-Stevens, et dont l'activité a perduré jusqu'en 1958.

Louis Barillet utilise exclusivement des verres industriels : verres prismatiques, verres imprimés, verres opaques auxquels s’adjoindront des verres gris, noirs et des miroirs. Il repense ainsi l'art du vitrail dans l'esprit du renouveau esthétique adapté aux besoins et au style Art déco de l'époque. Son travail séduit des architectes tels que Robert Mallet-Stevens ou Paul Rouvières. Il réalise de nombreux vitraux religieux, civils, des verrières, comme ceux de la rue Mallet-Stevens à Paris (cliché ci-dessous).




Jacques Le Chevallier (1896-1987)


L’œuvre de Jacques le Chevallier rayonne dans des domaines variés. Artiste de la lumière, il intervient comme designer de lampes modernistes à la fin des années 20. Puis, il exerce son art en tant que peintre-verrier dans plus de 350 édifices civils et religieux en France et en Europe (Italie, Luxembourg, Suisse etc.). Il est aussi peintre, graveur et enseignant.

Jacques Le Chevallier s’impose au fil du temps comme un passeur, une transition entre Moyen Âge et modernité qui caractérise l’art du début du XXe siècle dans le vitrail. Jonglant avec différentes approches artistiques tantôt figuratives, tantôt abstraites, Jacques Le Chevallier réalise des vitraux à l’expression puissante. Il comparait lui-même les couleurs du vitrail aux 7 notes de la gamme expliquant ainsi la multiplicité des possibilités offertes par le verre coloré. Ainsi, tel un virtuose à son piano, il compose avec la couleur et la lumière.


Véritable précurseur pour l’art du vitrail moderne, son travail fait l’unanimité auprès des architectes et maitres d’œuvre de son temps comme Robert Mallet-Stevens par exemple. A l’inverse il bouscule, il interroge lorsqu’il s’agit de vitraux religieux. En 1937, il va jusqu’à provoquer, avec d’autres, la « querelle des vitraux » à la cathédrale Notre-Dame de Paris lorsqu’il réalise 3 vitraux pour les verrières hautes de la nef. Deux lancettes, d’environ 8 mètres de haut, représentent les saints patrons de la ville de Paris, à savoir saint Marcel et sainte Geneviève. Elles sont elles-mêmes surmontées d’un occulus représentant l’Agnus dei.

Il a créé les luminaires situés à l'entrée de la Villa Cavrois, dans le vestibule (photo ci-dessous).



Charlotte Perriand (1903-1999)


Charlotte Perriand naît d'un père tailleur et d'une mère couturière pour la haute-couture. Diplômée de l'Union centrale des arts décoratifs en 1925, après 5 ans d'études, elle expose avec l'école des panneaux muraux représentant neuf muses pour un salon de musique à l'Exposition internationale des Arts décoratifs et industriels modernes de 1925. Elle présente un « coin de salon » au Salon des artistes décorateurs de Paris de 1926, comprenant une table à plateau de verre et réalise la même année des tables en acier et verre.


Elle se fait connaître à l'âge de 24 ans avec son " Bar sous le toit ", comprenant également des guéridons, des tabourets bas et de bar à piètement crucifome ou circulaire et une banquette, en acier chromé, aluminium anodisé et verre, créé pour son appartement-atelier de la place Saint-Sulpice, qui est présenté au Salon d'automne de 1927 et acclamé par la critique et expose un cabinet en bois de violette, verre et métal au Salon des artistes décorateurs de 1927. 

Sur le conseil de Robert Mallet-Stevens, Marie-Laure et Charles, vicomte de Noailles acquièrent une table de jeu pliante pour leur villa de Hyères. Alors remarquée par les deux architectes, elle commence une collaboration qui dure dix ans (1927-1937) avec Pierre Jeanneret et le cousin de ce dernier Le Corbusier, qui l'intègre dans l'équipe de son agence en lui confiant la responsabilité de « l'équipement de l'habitation ». 



La cuisine dans la Cité Radieuse de Le Corbusier à Marseille, 
conçue par Charlotte Perriand 
(visite sur place des Amis de la Villa Cavrois le samedi 24 septembre 2016)

La « Table extensible Ospite » en acier chromé, bois laqué et feuille de caoutchouc déroulante6, le « Tabouret pivotant LC8 », le « Siège pivotant LC7 » en acier chromé et cuir et le guéridon en acier chromé et plateau de verre circulaire, également réalisés en 1927 pour son appartement de la rue Saint-Sulpice, sont exposés dans sa Salle à manger 1928 au Salon des artistes décorateurs de 1928.

Jean Dourgnon (1901-1985)


Jean Dourgnon est un ingénieur électricien français, membre de la Société pour le perfectionnement de l'éclairage et de l'Union des Artistes Modernes. Il est l’auteur d’ouvrages de référence sur l’éclairage tels que " Le Secret des couleurs " avec Marcel Boll et en 1951 " La Reproduction des couleurs " avec Paul Kowaliski. 

Il a conçu le principe avec André Salomon du Tigralite, un éclairage qu'on retrouve dans la chambre de jeune homme de la Villa Cavrois.



Le Tigralite dans la chambre de jeune homme de la Villa Cavrois

Pierre Chareau (1883-1950)


Autodidacte, Pierre Chareau ne possède pas de diplôme d’architecte, néanmoins il conçoit durant sa carrière plusieurs architectures dont la Maison de verre (1928-1932) devenue l’une des œuvres majeures de l’architecture moderne en France.

En dépit de ce handicap légal, le créateur a donc eu recours, pour celles réalisées en France, à une association avec un architecte habilité de nationalité hollandaise nommé Bernard Bijvoet (1889-1979).

C’est en 1927 que débute cette collaboration lors de la conception du Club-House du Golf de Beauvallon commandé à Pierre Chareau par Edmond Bernheim ainsi que celle de la Villa Vent d’Aval (vers 1927-1928) qui se poursuit lors de l’édification de la maison de verre commandée par le docteur Jean Dalsace et son épouse entre 1928 et 1932.




Chareau arrête toute activité dans ce domaine jusqu’en 1947. Il ne renoue avec l’architecture que tardivement lors de son exil aux États-Unis avec la conception en 1947 d’une singulière maison-atelier pour son ami le peintre Robert Motherwell à East Hampton ainsi que, la même année, une maison dite « pièce-unique » (East Hampton) pour son propre usage sur un terrain cédé par le peintre au créateur en paiement de ses honoraires de la maison atelier.

La dernière réalisation de Pierre Chareau est une petite maison nommée La Colline édifiée en 1950 à Spring Valley pour la musicienne Germaine Monteux et l’écrivain Nancy Laughlin.